«Ça avait l'air d'une blague pour eux»: le récit troublant de la victime alléguée au procès des ex-joueurs de l'Équipe Canada junior


Antoine Lacroix
LONDON | La victime alléguée des cinq ex-hockeyeurs de l’Équipe Canada junior a poursuivi lundi son témoignage sur la nuit d’horreur qu’elle dit avoir vécue, agressée à répétition, disant entre autres avoir eu l’impression d’être «emprisonnée» dans la chambre d’hôtel.
«Je me sentais comme si mon esprit était juste séparé de mon corps, comme si j’étais sur le pilote automatique», a expliqué celle qu’on peut désigner sous les initiales E.M., en raison d’un interdit de publication pour protéger son identité. Je me sentais comme si je n’avais pas d’options.»
La jeune femme a entamé le récit de sa version des faits vendredi au palais de justice de London, en Ontario, dans le cadre de ce procès hautement médiatisé.
Elle avait 20 ans au moment des faits reprochés aux cinq accusés, Michael McLeod, Dillon Dubé, Carter Hart, Alex Formenton et Cal Foote. L'événement serait survenu à London, en juin 2018, à l’occasion du triomphe quelques mois plus tôt de l’équipe canadienne au championnat mondial.
E.M. avait rencontré les hockeyeurs dans un bar, où elle avait bu plus d’une dizaine de consommations alcoolisées, dont plusieurs shooters.
Elle aurait alors fait la connaissance de McLeod, et se serait finalement retrouvée dans sa chambre d’hôtel, au Delta de London.
Une relation sexuelle consensuelle a eu lieu entre les deux, mais c’est juste après que la nuit de la jeune femme aurait pris une tournure cauchemardesque.
Bâtons et balles de golf
«J’ai assumé que j’allais passer la nuit là-bas. Je n’avais pas vraiment d’attentes, a-t-elle relaté, d’une voix un peu stressée. Je ne comprenais pas pourquoi il était déjà habillé et sur son téléphone. J’attendais de voir ce qui allait se passer.»
Peu de temps après, des hommes ont commencé à faire irruption dans la chambre d’hôtel.
«J’étais sous le choc, j’étais inconfortable. Je ne comprenais pas trop ce qui se passait», a-t-elle révélé.
Si les détails précis sur le déroulement sont flous pour la jeune femme, elle se rappelle toutefois qu’une couverture a été déposée au sol et qu’on lui a demandé de s’y allonger.
Dans la chambre se trouvaient alors des bâtons de golf. Certains hommes présents ont «commencé à parler d’introduire des balles de golf [...] et si j’étais capable de prendre un bâton au complet dans moi», a témoigné la victime alléguée.
«J’étais nue, saoule et très vulnérable. [...] J’avais peur. Je ne savais pas où cela allait mener», a-t-elle laissé tomber.
Les hommes présents ont alors commencé à se moquer d’elle, a-t-elle relaté.
«Ça semblait être une blague pour eux. Mais moi, je me sentais intimidée et je ne savais pas comment réagir», a précisé E.M.
«Aucun contrôle»
À un certain moment, elle a été forcée de pratiquer du sexe oral sur trois hommes en même temps, pendant que les autres personnes présentes «criaient et encourageaient». Certains lui auraient même craché dessus et même tapé les fesses.
«Je me suis coupée de tout [shut down] et j’ai laissé mon corps faire ce qu’il devait pour rester en sécurité. Il semblait que la seule façon d’être en sécurité était de leur donner ce qu’ils voulaient», a décrit E.M.
«Je ne connaissais pas ces hommes, je ne savais pas ce qui allait m’arriver si je disais non, a ajouté la victime alléguée. C’est comme si je n’avais aucun contrôle sur ce qui arrivait.»
Peu après, elle a rapporté être allée dans la salle de bain où l'un des hommes l’a rejointe pour la pénétrer sans que des mots soient échangés.
«Il m’a juste penchée, je ne faisais pas grand-chose», a-t-elle expliqué.
Une fois l’acte terminé, la jeune femme dit avoir tenté de se rhabiller pour partir, mais qu’on l’en a empêchée.
«Je me sentais emprisonnée, [...] je sentais que j'avais essayé de m’en aller, mais que ça n’a pas fonctionné», a-t-elle dit.
Vidéos de consentement
Des vidéos ont aussi été montrées aux membres du jury, où l’on voit la victime alléguée affirmer être «correcte avec ça» et que «tout était consensuel».
«J’ai seulement dit ce qu’ils voulaient que je dise. Je ne pense pas que je pouvais penser clairement à ce point, a soutenu E.M., précisant ne pas avoir de souvenir d’avoir été filmée. Ça ne reflétait pas comment je me sentais vraiment à ce moment.»
Dans l'une des vidéos, elle semble essuyer des larmes.
«Je sentais beaucoup de honte. [...] Je me suis beaucoup blâmée pour être allée à l'hôtel. J'aurais souhaité agir différemment», a-t-elle témoigné.
Le témoignage d'E.M. se poursuit lundi après-midi au palais de justice de London.
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