C-11, la « canne » de vers grossit !

Guy Fournier
Le 6 février 2018, j’ai écrit que Mélanie Joly ouvrait une « canne » de vers avec la révision de la loi sur la radiodiffusion.
Depuis, la « canne » de vers n’a pas cessé de grossir. Presque cinq ans plus tard, le projet de loi C-11 est encore devant le Sénat et chaque nouvelle journée d’étude soulève de nouveaux problèmes. Ces problèmes, on les « garroche » allègrement dans la cour déjà bien pleine du CRTC comme si cet organisme de réglementation était un phénix capable de résoudre la quadrature du cercle.
Il faut niveler le terrain de jeu ! Est-ce nécessaire pour autant de lancer des éléphants et des souris sur le même terrain de jeu et selon les mêmes règles ? C’est ce qu’on tente de réussir avec le projet de loi C-11.
Une décision stupide de Harper
La saga a commencé par une décision stupide de Stephen Harper qui déclara en 2015 qu’il n’y aurait jamais de taxe Netflix. Sous prétexte qu’il avait promis de ne pas augmenter les taxes, Justin Trudeau poursuivit dans la même veine. Mélanie Joly, alors ministre du Patrimoine, fut dépêchée en Californie pour sonder les reins des géants du net. Elle en revint quasi bredouille, mais avec la promesse que Netflix dépenserait chez nous 500 millions US sur cinq ans.
Netflix a plus que quintuplé cette somme, mais avec des films et des séries n’ayant rien de canadien si ce n’est qu’ils furent produits ici à meilleur compte qu’aux USA. Netflix éparpilla aussi quelques milliers de dollars dans des écoles et pour des causes à la mode comme la diversité, l’aide aux communautés minoritaires et autochtones. Netflix a également produit Jusqu’au déclin, un long métrage à budget modeste. Disney+ y est allée d’un long métrage d’animation entièrement produit chez nous à bon compte, Turning Red, dirigé par la Torontoise Domee Shi, mettant en vedette juste des interprètes canadiens.
Pourquoi faire simple ?
Le bottom line, comme disent les Anglais, c’est que Netflix, Disney+ et les autres, qui pigent chaque mois des millions de dollars dans nos poches, en laissent un pourcentage significatif pour la création d’authentique contenu canadien. Comme y sont tenus depuis toujours les services de diffusion et de distribution canadiens.
Malheureusement, plutôt que d’explorer d’autres avenues (comme l’a fait la France, par exemple), Ottawa a choisi d’intégrer les services étrangers dans le système canadien de radiodiffusion. On ne pouvait emprunter route plus longue et plus semée d’embûches, comme le démontre bien le tourbillon de plus en plus ridicule qui agite la colline du Parlement.
S’il n’y a ni contestation judiciaire ni plainte en vertu de l’ACEUM (l’Accord Canada–États-Unis–Mexique), les premiers versements de Netflix, Disney+, Amazon Prime et compagnie pour la création de contenu canadien pourraient intervenir dans le cours de 2024. Pendant ce temps, on aura laissé sur la table des centaines de millions de dollars.