Brûlures, entorse lombaire et baignade sans surveillance: un camp de vacances de rêve a tourné au cauchemar l’été dernier
Des parents dénoncent le manque d’encadrement de leurs enfants dans un camp de vacances équestre de la Montérégie
Marie-Claude Paradis-Desfossés
Des dizaines de parents dénoncent l’expérience vécue par leurs enfants dans un camp de vacances de la Montérégie l’été dernier. Piscine sans surveillance, manque d’encadrement, cours annulés et enfant brûlé: tout cela a marqué l’été au Sunset Ranch.

Anne-Michel Casavant a inscrit ses deux jumelles de 12 ans pour une semaine de «camp dodo», une formule avec hébergement. Lorsqu’elle a récupéré ses enfants, elle a remarqué des brûlures sur le front et le corps de sa fille Maëva. L’adolescente se souvient d’avoir ressenti une vive douleur dans son front après avoir été brûlée autour d’un feu de camp.
«Ils m’ont dit: "C’est juste une petite brûlure et fais juste mettre de l’eau dessus"», raconte la jeune fille. Selon d’autres enfants rencontrés par l’équipe de J.E, le feu était allumé à l’aide d’un bidon d’essence. Les cicatrices de Maëva sont toujours visibles aujourd’hui.

Une autre participante de 12 ans, inscrite au camp et à des cours d’équitation, a témoigné avoir fait une chute à cheval, à grande vitesse. Elle mentionne qu’aucun protocole médical n’aurait été suivi pour s’assurer qu’elle n’était pas blessée.
«Au début j'avais vraiment mal partout. [...] Il y a un propriétaire qui est venu, il m’a demandé si j’étais correcte. C’est tout.»

Préoccupée par l’état de santé de sa fille, sa mère l’a amenée consulter et on lui a diagnostiqué une entorse lombaire.
Baignade sans surveillance
Bon nombre d’enfants ont témoigné qu’ils se sont baignés dans une piscine sale et sans surveillance, de jour comme de soir.
«Il faisait nuit et parfois il n’y avait personne qui nous surveillait. On était tout seul dans la piscine pis il faisait noir», raconte Billie Gauthier, 12 ans, inscrite au camp avec son jeune frère.

Selon la loi, toute piscine qui accueille des groupes est considérée comme un bain public et doit être surveillée par un surveillant-sauveteur formé, âgé d’au moins 17 ans.
Plaintes et poursuites
Des parents ont intenté des recours en justice contre les propriétaires, Danika Beaudin et François Bureau, pour des cours d’équitation et des semaines de camp annulés. Le Sunset Ranch a depuis été mis en vente au coût de 699 900$ et la fin des cours a été annoncée le 24 septembre. Les propriétaires, eux, ont quitté le pays.
Marie-France Paré, qui a choisi d’annuler l’inscription de sa fille, s’est tournée vers la Cour des petites créances. «J’ai écrit pour dire que j’annulais et ç’a été très difficile de communiquer à partir de ce moment-là, je n’avais presque pas de retour et très froid.» Dans un jugement rendu le 6 décembre, le tribunal condamne le Sunset Ranch à lui rembourser les trois semaines de camp et les frais de justice pour un total de 1142$.

Seulement en 2023, l’Office de protection du consommateur a reçu 22 plaintes concernant le Sunset Ranch. Quant aux propriétaires du Sunset Ranch, très actifs sur les médias sociaux, ils n’ont donné aucune suite aux demandes d’entrevue de l’équipe de J.E.
Québec se traîne les pieds
Présentement, au Québec, il ne faut ni permis ni formation pour diriger un camp de jour, ni même la vérification des antécédents judiciaires du personnel et des dirigeants.
- Écoutez le segment judiciaire avec Félix Séguin via QUB :
Le gouvernement provincial a pourtant promis de trouver des solutions pour mieux encadrer les camps de jour et les camps de vacances, qui accueillent quelque 350 000 enfants chaque été.
«C'est toujours dans le haut de la liste lorsqu’on a des rencontres avec des hauts représentants du ministère. On a un enjeu de savoir de qui ça relèverait ce permis-là aussi, ça on n'est pas sûr», dit Éric Beauchemin, directeur de l’Association des camps du Québec.
Après plusieurs envois de courriels et appels téléphoniques aux différents ministères, l’équipe de J.E a été redirigée vers la ministre responsable du Sport, du Loisir et du Plein air, Isabelle Charest, qui a refusé de répondre aux questions.

À son cabinet, on déclare qu’«au final, la sécurité des jeunes est primordiale et non négociable. Ce qu’on souhaite, c’est une meilleure prise en charge et un meilleur suivi auprès des responsables des camps.»
Le projet de loi que la ministre Charest a déposé mardi, prévoyant de meilleures vérifications des antécédents judiciaires dans le domaine du sport, pourrait s'établir aux loisirs, donc aux camps.
Pour sa part, le ministère de l’Éducation confirme qu’un premier comité composé de professionnels des différents ministères a vu le jour. Une seule rencontre a eu lieu, il y a de cela un an, soit le 21 février 2023.
L’ACQ estime qu’au moins un millier de camps privés travaillent comme bon leur semble.
«On va malheureusement être en train de documenter ou de commenter un accident grave un jour dans un milieu qui n'aura pas été régi», commente Éric Beauchemin, qui cumule plus de 30 ans d'expérience dans le domaine des camps.
L’organisme qu’il dirige supervise un millier de camps qui, sur une base volontaire, répondent à plus de 80 normes en lien avec la sécurité, les ratios, la formation du personnel et la qualité des installations, des activités et de l’animation.
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.