Une révision avec Patrice Robitaille: brûlant d’actualité


Maxime Demers
Patrice Robitaille avoue avoir été quelque peu déstabilisé quand la réalisatrice Catherine Therrien lui a offert un rôle de professeur de philosophie dans son premier long métrage, Une révision. D’abord parce qu’en plus de 20 ans de carrière, l’acteur de 47 ans s’est rarement fait proposer des personnages d’intellectuels à l’écran. Mais aussi parce qu’il a tout de suite détecté le potentiel explosif de ce film qui aborde des thèmes brûlants d’actualité comme l’inclusion à tout prix et le discours politiquement correct.
« Quand j’ai lu la première version du scénario, je me suis dit : eh boy, il y a de la matière à ce que ça soit explosif », a expliqué Patrice Robitaille, en entrevue au Journal.
« Déjà à la lecture, j’étais assez conscient qu’il fallait que ça soit fait avec doigté et intelligence. Mais je trouve que Catherine [Therrien] a bien réussi à raconter cette histoire avec finesse et sans que ça soit beige ou sans aspérité. »
Dans Une révision, Patrice Robitaille incarne donc le personnage d’Étienne, un professeur de philosophie dans un cégep de Montréal. Très apprécié par ses élèves, Étienne transmet sa matière avec passion, manifestant un plaisir contagieux à expliquer la philosophie de Spinoza. Mais une mauvaise note accordée au travail de Nacira (Nour Belkhiria), une élève de confession musulmane, viendra bientôt tout compromettre.
Le problème, c’est que Nacira a cité le Coran dans une dissertation. Pourtant, Étienne avait précisé à ses élèves qu’il refuserait tout texte religieux dans leurs travaux. Inquiète que cet échec bousille ses chances d’entrer à l’université, Nacira demandera une révision de sa note au conseil d’administration du collège. Pour éviter que cette histoire fasse des vagues, la directrice des études du cégep (jouée par Édith Cochrane) demandera à Étienne de changer la note de Nacira. Mais Étienne, un homme de convictions, n’a pas l’intention de céder si facilement.
« Pour moi, le grand défi de ce rôle était de rendre ce gars-là attachant », observe Patrice Robitaille.
« J’avais un problème avec le fait qu’il avait déjà eu deux tapes sur les doigts dans le passé et qu’à la prochaine rebuffade, il allait être mis dehors de l’école. Je trouvais que ça le rendait intransigeant. Je me disais que je devais lui insuffler quelque chose qui allait montrer qu’il n’était pas étroit d’esprit ou hermétique. Je ne voulais pas non plus que ses cours aient l’air arides. Je voulais que les spectateurs se disent que ça avait l’air d’être une classe de cégep le fun. Je trouvais ça super important d’installer cette dynamique-là avec ses élèves pour qu’il arrive ensuite ce qu’il arrive. »
Réussite à tout prix
C’est le cinéaste Denys Arcand qui a suggéré à sa conjointe, la productrice Denise Robert, de lire le scénario d’Une révision, qui a été écrit par ailleurs par deux anciens professeurs de philosophie, Louis Godbout et Normand Corbeil. « Il m’a dit : lis ça et tu me diras ce que t’en penses, a rapporté Denise Robert. J’ai eu un coup de cœur et j’en ai parlé à Catherine [Therrien]. »
Catherine Therrien travaillait déjà sur un autre projet de long métrage avec Denise Robert quand la productrice lui a fait lire le scénario d’Une révision. La cinéaste qui a signé la réalisation de plusieurs séries télé (District 31, Fourchette, Virage) a vu l’occasion de faire un film sur « la transmission du savoir et l’importance de la communication et du dialogue ».
« Quand j’ai lu la première version du scénario d’Une révision, il y a environ trois ans, je me disais que c’était un sujet qui était déjà d’actualité et qui allait le rester pendant longtemps », a souligné la réalisatrice.
« Ce qui est d’actualité dans le film, ce n’est pas seulement le rapport houleux et la prise de position des deux protagonistes. C’est aussi l’instrumentalisation par l’institution de ce discours d’inclusion à tout prix. Les thèmes de l’inclusion à tout prix, de l’instrumentalisation de la bien-pensance et du discours politiquement correct m’intéressaient beaucoup. »
Pour Catherine Therrien, Une révision explore aussi le problème de la réussite à tout prix dans nos écoles.
« Le carcan, dans le film, ce n’est pas l’islam, analyse-t-elle. Le carcan, c’est l’institution qui garantit la réussite à tout prix. Le personnage de Nacira est très bien intégré. Mais elle se fait instrumentaliser par des gens qui ont un bon fond, mais qui veulent sa réussite à tout prix. »
► Le film Une révision est présenté mardi en ouverture du Festival Cinemania et prend l’affiche vendredi partout dans la province.