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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Bras de fer et loi spéciale sur leur rémunération: faudrait-il (encore) reculer devant les médecins?

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Photo portrait de Rémi Nadeau – analyse

Rémi Nadeau – analyse

2025-10-24T04:00:00Z
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François Legault cherche peut-être à marquer des points en confrontant les médecins à l’approche de l’année électorale, mais peu importe, il serait probablement temps de lier leur rémunération à l’atteinte d’objectifs.

Un changement du mode de rémunération des médecins est discuté depuis tant d’années au Québec, personne ne peut feindre la surprise.

L’idée a été avancée, mais sous la pression du lobby des médecins et les menaces, les précédents gouvernements ont choisi de la mettre de côté.

On chante constamment qu’il faut revoir le modèle québécois plutôt que de pomper éternellement plus d’argent en santé sans obtenir davantage de résultats.

Il ne manque pas vraiment d’argent, quand 62 milliards $ sont investis en santé, soit près de la moitié du budget total du Québec.

On ne peut pas dire qu’il manque de médecins non plus.

Par tranche de 100 000 habitants, il y en a plus ici qu’en Ontario.

Un modèle raisonnable

Pour qu’il y ait moins d’attente avant une chirurgie, ou l’obtention d’un rendez-vous avec un médecin généraliste, le gouvernement Legault demande que 15% de leur rémunération soit versée conditionnellement à l’atteinte de cibles.

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On peut rappeler que les médecins spécialistes gagnent en moyenne plus de 420 000$.

La recette est appliquée en Ontario et en Colombie-Britannique.

De leur côté, les médecins spécialistes ont répété qu’ils ne peuvent faire davantage de chirurgies si on ne leur donne pas plus de moyens.

Or, dans son offre finale déposée mercredi, Christian Dubé s’engage notamment à ajouter 400 millions $ pour augmenter le nombre d’heures de pratique dans les blocs opératoires.

L’apôtre de la productivité

Peu importe, à peine quelques heures plus tard, leur négociateur, Lucien Bouchard, parlait d’une «déclaration de guerre».

L’air faussement dépité, il dépeignait comme injustes les demandes du gouvernement à l’égard des médecins, se plaignant qu’on exige d’eux de travailler davantage.

C’est pourtant lui qui faisait la leçon aux Québécois en 2006.

«Il faut travailler plus. On ne travaille pas assez», disait l’ancien premier ministre dans un plaidoyer sur la productivité.

Laisser passer encore des mois dans l’espoir de trouver une solution négociée risque de n’avancer à rien.

Les médecins refusent le principe d’une rémunération liée à des objectifs.

Aucun des partis d’opposition n’appuie le gouvernement, mais ils disent souhaiter aussi un changement du mode de rémunération des médecins.

Le PQ n’est pas capable d’expliquer clairement ce qu’il reproche à la proposition Dubé, les libéraux non plus.

Le solidaire Vincent Marissal trouve louche que le ministre de la Santé ait soudainement trouvé de nouveaux millions $ dans l’espoir de convaincre les toubibs.

C’est vrai.

Mais à terme, si plus de rendez-vous et de chirurgies sont disponibles en forçant un peu la main des médecins, les Québécois n’en sortiraient-ils pas gagnants?

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• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission d’Isabelle Maréchal, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Ce que Québec demande aux médecins

Lier 15% de la rémunération à divers indicateurs de performance, tels que...

Pour les omnipraticiens
  • Rendre disponibles 18 millions de plages de rendez-vous par année
  • Réaliser un pourcentage, non précisé, de consultations dans un délai d’au plus trois jours, via le système de Santé Québec
  • Prendre en charge un certain nombre de patients se présentant aux services d’urgence dans un délai de 90 minutes
  • S’assurer que 95% des personnes admissibles sont affiliées à un milieu de pratique (clinique, CLSC, etc.)
  • Destiner 30% des plages de rendez-vous au mécanisme d’accès à la première ligne mis en place par Santé Québec
Pour les spécialistes
  • Prendre en charge un certain pourcentage de patients se présentant à l’urgence dans un délai de 90 minutes
  • 99% des opérations chirurgicales sont effectuées dans un délai d’au plus 12 mois après la requête opératoire
  • 99% des interventions chirurgicales oncologiques sont effectuées dans un délai d’au plus 56 jours après la requête opératoire
En contrepartie, Québec ajoute des ressources:
  • 50 millions $ par année pour embaucher jusqu’à 500 professionnels de la santé, comme des infirmières et des travailleurs sociaux
  • 100 millions $ par année pendant 4 ans pour permettre une plus grande disponibilité des salles d’opération

Les fédérations médicales soulignent toutefois qu’il s’agit essentiellement d’argent «recyclé» pigé ailleurs dans le réseau.

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