Boycotter le Qatar: un geste hypocrite?

Agence QMI
La tenue de la Coupe du monde de soccer au Qatar soulève quantité de problèmes au niveau humain, mais la boycotter complètement serait comme détourner le regard d’un problème encore plus grand, croit un professeur au département de science politique à l’Université Laval.
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«Ce n’est pas la première fois que la Coupe du monde se tient dans un pays problématique. Demander à des villes, des individus de boycotter le Qatar pour ces raisons, quand tous les pays et les multinationales occidentales y sont mêlés depuis des décennies, ça me semble un peu hypocrite», a soutenu en entrevue à QUB radio, mercredi, Francesco Cavatorta.
L’expert estime que la FIFA avait beau jeu de donner le Mondial à des pays moins traditionnels au niveau du soccer afin d’augmenter son public. Avec le Qatar, l’organisation savait dans quoi elle s’embarquait. Évidemment, comme en Russie en 2018, la corruption a joué un rôle majeur.
«On savait qu’il y aurait tous ces problèmes d’environnement et les aboutements des droits de la personne. En même temps, le Qatar est déjà bien intégré dans l’économie mondiale», a dit M. Cavatorta, rappelant que le pays investit dans de grands clubs étrangers et qu’il possède une alliance militaire avec les États-Unis.
Le Qatar est d’ailleurs un pays qui a cherché à se détacher de la richesse typique de ses voisins du Golfe, le pétrole, en essayant d’être intégré dans l’économie mondiale. Il cherche toutefois à le faire sans trop dénaturer la nature de son régime autoritaire.
Dans les dernières décennies, il a également joué un rôle de médiateur dans de grands conflits de la région comme ceux impliquant le Liban, ou encore Israël et la Palestine, a rappelé M. Cavatorta.
Un coup d’œil dans le miroir
Les problèmes suivront des événements d’envergure comme la Coupe du monde et les Jeux olympiques, peu importe l’endroit où ils seront tenus. Or, peut-être que ces problèmes persistants au Qatar n’auraient pas été abordés sans cette compétition de soccer.
«Sans la Coupe du monde, peut-être que la majorité du monde ne savait même pas où était le Qatar. Maintenant, le Qatar s’expose à toutes les critiques. Est-ce que ça va changer le pays? Probablement pas. [...] Mais au moins pour un mois, on va parler de football, mais on va aussi parler des droits de l’homme et de l’environnement», a expliqué le professeur.
Il importe toutefois de se regarder dans le miroir en critiquant ce petit pays du Moyen-Orient. Les gouvernements et les multinationales font des affaires avec le Qatar depuis belle lurette. Même en Amérique du Nord, il faut observer ces problèmes avec un œil critique et un peu d’introspection.
«Si on pense que les droits de la femme sont bafoués au Qatar, ce qui est vrai, le Canada va-t-il retirer sa candidature pour la Coupe du monde de 2026 parce qu’aux États-Unis, il n’y a plus le droit à l’avortement? Allons-nous boycotter jusqu’à ça?» a soulevé M. Cavatorta.