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L'article provient de TVA Nouvelles

Boussole municipale: ce site douteux veut vous dire pour qui voter

Il récolte des données sans mesures de sécurité suffisantes ou encadrement quant à leur utilisation, selon des experts

Des experts doutent de la fiabilité et de la sécurité de la Boussole municipale.
Des experts doutent de la fiabilité et de la sécurité de la Boussole municipale. Capture d’écran
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Zoé Arcand

2025-10-20T23:00:00Z
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Un site internet conçu pour guider les électeurs à voter aux élections municipales en échange de données personnelles n’est pas sécuritaire et pourrait influencer le scrutin, selon des experts en cybersécurité.

«Ne sachant ce que les personnes derrière ce site vont faire avec les données personnelles, c’est louche et inquiétant», a commenté Luc Lefebvre, président cofondateur de Crypto.Québec.

Luc Lefebre, président co-fondateur de crypto-québec
Luc Lefebre, président co-fondateur de crypto-québec Capture d'écran Teams

La Boussole municipale offre un questionnaire de 21 questions portant sur des enjeux électoraux pour cinq municipalités, soit Québec, Montréal, Gatineau, Longueuil et Lévis.

La plateforme demande le code postal, l’âge, le genre, le revenu et l’adresse courriel de ses utilisateurs.

«L’outil a été développé par une équipe indépendante de chercheurs et d’experts», lit-on sur ce site totalement anonyme qui ne donne pas plus de détails quant à qui sont ces personnes.

L’homme derrière le site

Le Journal a toutefois réussi à entrer en contact avec Émile Pelletier, qui crée des sites web comme occupation secondaire. Il affirme avoir monté ce site de manière «indépendante» après avoir observé un «manque d’information en matière de démocratie municipale».

Il souligne que sa plateforme n’est pas au point et a envoyé une brève liste de mesures de sécurité au Journal.

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Luc Lefebvre, qui les a consultées, juge qu’elles ne sont pas sérieuses. Selon lui, les données récoltées pourraient être compromises et rien n’indique qu’elles sont réellement anonymisées puisque rien n’encadre l’utilisation de l’information dans son projet.

Le créateur de la boussole assure que son projet n’est pas lucratif, mais qu’il est ouvert à en faire une «business» dans le futur.

Un algorithme de l’IA

«Je n’entrerais pas mes informations sur ce site», conseille Ivan Ivanov, professeur de communication à l’Université d’Ottawa, spécialisé en gestion de crise liée aux cyberattaques. Il craint que sa collecte puisse «servir à influencer le vote sur les réseaux sociaux».

Car cette boussole, dont le visuel et l’algorithme ont été créés avec l’intelligence artificielle, indique aux utilisateurs avec quel parti ils partagent des «affinités».

M. Ivanov juge l’outil «contraire aux principes démocratiques».

«Ce n’est pas un algorithme qui devrait indiquer aux gens pour qui voter, martèle-t-il. Le choix éclairé des électeurs doit être fait sur la base d’informations [...], vérifiées et véridiques, fournies au public par des journalistes, par exemple.»

Risque d’amende

M. Pelletier, qui a investi de sa poche pour mettre sur pied sa boussole, a été averti par Élections Québec qu’il risquait une amende pour son initiative. La loi considère comme une dépense électorale illégale tout montant dépensé dans le but de «diffuser ou combattre le programme politique d’un candidat ou d’un parti».

Les partis politiques et les médias journalistiques, qui présentent des informations vérifiées, font exception à cette règle. Émile Pelletier a d’ailleurs assuré être «en processus» pour affilier son projet à un «média».

Selon nos recherches, il s’agit d’un site de nouvelles alternatif controversé ayant des liens avec un média de propagande russe.

Au lendemain de la publication de cet article, Le Journal a constaté que La Boussole Municipale n'existait plus. Son créateur a assuré avoir aussi supprimé les données des utilisateurs sans fournir de preuves suffisantes selon Luc Lefebre.

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