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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Bordel informatique: pourquoi et quoi faire?

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Photo portrait de Joseph Facal

Joseph Facal

2025-06-03T04:00:00Z
2025-06-03T09:05:00Z
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On a évidemment raison de s’indigner du scandale SAAQclic, hallucinant mélange d’incompétence, d’irresponsabilité et, possiblement, de collusion, voire de corruption.

Une phrase restera dans les annales.

Lors des audiences de la commission d’enquête Gallant, l’ex-président du conseil d’administration de la SAAQ, Guy Morneau, a mollement laissé tomber: «Quand bien même ça coûterait 50, 100, 200 millions de plus [...] ce n’est pas ça qui va empêcher la Terre de tourner».

Ça se passe de commentaire.

Étude

SAAQclic semble un cas extrême, mais la vérité oblige à dire que les projets de transformation numérique tournent mal dans l’appareil public québécois depuis qu’on a commencé... à faire de la transformation numérique.

Ce n’est pas mieux à Ottawa: le système de paie Phénix et le projet ArriveCAN ont aussi donné lieu à de spectaculaires dérapages, mais de natures différentes.

Pourquoi? Y a-t-il une malédiction particulière qui hante les projets informatiques (TI)? Et ailleurs dans le monde?

Bent Flyvbjerg, professeur à Oxford, est le plus éminent spécialiste mondial de l’étude des grands projets: transformation numérique, aéroports, réseaux de transports en commun, barrages hydroélectriques, centrales nucléaires, tenue de Jeux olympiques, etc.

Pour les quelque 70 années pour lesquelles nous disposons de données quantitatives comparables, 9 mégaprojets sur 10 dépassent les coûts annoncés à l’origine.

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Partout dans le monde.

• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Flyvbjerg va publier une étude spécifique sur les projets de TI dont les principaux résultats ont déjà été rendus publics par la revue The Economist.

Selon lui, 40% des projets en TI dépassent les coûts budgétés, en comparaison de 100% pour les Olympiques, 97% pour les centrales nucléaires et 75% pour les barrages hydroélectriques.

Cependant, quand il y a dépassement des coûts en TI, c’est une perte de contrôle totale.

Le dépassement en TI est de l’ordre de 450% en moyenne, le pire score parmi les 22 catégories étudiées de projets.

Bref, en TI, ça ne dérape pas toujours, mais quand ça dérape, ça dérape pas à peu près.

Pourquoi? Cinq raisons.

La transformation numérique est un domaine relativement nouveau, alors qu’on construit des routes depuis des milliers d’années.

L’expertise de celui qui se dit «expert» en TI est beaucoup plus difficile à évaluer que celle du gars qui dit: «Construire un pont, moi, je connais ça».

Les projets en TI sont plus abstraits, plus tentaculaires, plus difficiles à visualiser, donc à évaluer.

En raison de tout ce qui précède, les décisions sont davantage prises par des néophytes en TI.

Finalement, les projets en TI changent souvent en profondeur la façon de travailler des gens, ce qui peut les conduire à résister davantage au changement... et augmentera délais et coûts.

Expertise

Quoi faire?

Ce que dicte le bon sens, dit Flyvbjerg: imposer des contraintes mieux définies au départ et prendre davantage son temps pendant la phase de planification.

Et j’ajouterais: cesser de vider la fonction publique de son expertise.

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