Bonne dernière au pays: la région de Québec accueille peu d’immigrants
La proportion de personnes immigrantes permanentes est de seulement 6,7 % dans la région métropolitaine


Diane Tremblay
Parmi les principales régions métropolitaines canadiennes, Québec affiche la plus faible proportion d’immigrants permanents au pays, avec un maigre 6,7 %. En cinq ans, cette proportion a crû de seulement 1 %, alors que tant d’espoirs reposent sur l’accueil de travailleurs étrangers pour contrer la pénurie de main-d’œuvre.
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Certaines régions de taille similaire accueillent beaucoup plus d’immigrants. C’est le cas de Winnipeg où cette proportion s’élève à 25,4 %.
«C’est faible comparativement au reste», reconnaît David Weiser, conseiller municipal à la Ville de Québec et responsable entre autres du dossier de l’immigration.
«Il faut creuser et investiguer pour connaître pourquoi c’est comme ça», ajoute-t-il.
Depuis plusieurs années, Québec International organise des missions de recrutement à l’étranger.
«Est-ce que ça me déçoit?» lance Line Lagacé, vice-présidente.
Poser la question, n’est-ce pas y répondre?
«On doit avoir le regard sur le chemin parcouru. Je pense qu’on va vers le mieux [...]», dit-elle.
Rétention
Selon M. Weiser, le problème n’est pas l’attraction, mais la rétention. D’ailleurs, au cours de la prochaine année, la Ville de Québec compte procéder à l’examen des besoins en matière d’accueil et d’intégration.
«Il y a une volonté, mais nos organismes sont peut-être un petit peu à bout de souffle aussi. On veut identifier les besoins manquants», indique le conseiller.
De 2016 à 2021, 11 845 personnes immigrantes (incluant les résidents non permanents) sont arrivées à Québec, mais pas moins de 3950 ont choisi de quitter la ville.
Le Journal a rencontré des immigrants qui ont fait le choix de s’installer ici et de contribuer à l’économie.
Village d’Astérix
Néanmoins, tant Mme Lagacé que M. Weiser affirment que la situation s’améliore.
«Avant les années 2000, on était un petit peu le village d’Astérix. Ce n’est pas une cachette. [...] On voit maintenant qu’il y a plus de diversité. On sent une ouverture plus grande. Évidemment, il y a encore du travail à faire», poursuit M. Weiser.
«Nous n’étions pas une population résistante, mais disons que nous étions une population mono-ethnique dans sa structure et dans sa globalité et on sent l’ouverture de plus en plus», observe de son côté Mme Lagacé.
Selon M. Weiser, Québec est aujourd’hui une ville multiculturelle qui compte plus de 140 groupes ethniques parlant plus de 70 langues.
«C’est sûr que la pénurie de main-d’œuvre est un enjeu vraiment important. Il faut s’assurer que nos entreprises aient les ressources humaines nécessaires», dit-il en soulignant que la Ville travaille en collaboration avec les autres paliers de gouvernement.
PORTRAIT DE L’IMMIGRATION À QUÉBEC
Nombre et proportion d’immigrants permanents par RMR en 2021
Canada 8 361 505 | 23 %
Province de Québec 1 210 600 | 14,6 %
Toronto 2 862 850 | 46,6 %
Vancouver 1 089 185 | 41,8 %
Montréal 1 022 940 | 24,3 %
Calgary 460 875 | 31,5 %
Edmonton 363 910 | 26 %
Ottawa 313 845 | 21,4 %
Winnipeg 207 950 | 25,4 %
Québec 54 855 | 6,7 %
Source : Statistique Canada
Principaux pays d’origine en 2021*
France 7360
Colombie 2865
Maroc 2715
Algérie 1915
République démocratique du Congo 1310
Haïti 1125
Brésil 1115
Bosnie-Herzégovine 860
Chine 840
Mexique 780
Autres pays 24 350
Total 45 235
*Immigrants permanents pour la Ville de Québec
Source : Ville de Québec
Il achète une entreprise québécoise

Si les raisons qui amènent des immigrants à s’expatrier sont multiples, certaines histoires sont une source d’inspiration, comme celle de Durlon Abiaga, originaire du Gabon.
Chez SM Audet Équipement, à Sainte-Claire, si vous demandez à parler au patron, c’est Durlon Abiaga qui viendra vous répondre. M. Abiaga a fait l’acquisition de cette entreprise familiale, fondée en 1946, il y a deux ans. Les enfants des fondateurs désiraient à leur tour prendre leur retraite.
Garage SM Audet est devenu SM Audet Équipement, une société d’Atlantique Développement. Il faut dire que M. Abiaga connaissait bien le Québec avant de déménager dans Bellechasse.
«Ma sœur est établie à Saguenay depuis près de trente ans. Elle est professeure à l’université. J’avais l’habitude de venir la visiter une fois par an. Parfois en hiver, parfois en été», relate-t-il.
«En dehors de l’aspect climatique, je trouve que c’est un pays qui a des similitudes avec le Gabon, notamment au point de vue hydrographique, mais aussi dans l’accueil des gens», a-t-il partagé.
Études en France
Issu d’une famille de 11 enfants, M. Abiaga a eu la chance de faire des études supérieures. Il a été recruté par le groupe Vinci Construction pour diriger des chantiers en Afrique, après ses études comme ingénieur en France. Certains projets étaient situés dans des régions isolées, dans la brousse. Comme responsable, il devait voir à tout.
Par la suite, il s’est joint à la multinationale Caterpillar pendant une dizaine d’années pour développer des subdivisions en Afrique.
«Si j’arrive à créer des divisions, à embaucher du personnel, à voir à la logistique, à faire en sorte que quelque chose naisse et fonctionne, je me suis dit qu’il fallait le faire pour moi. C’est comme ça que l’idée de devenir entrepreneur a grandi.»
Des opportunités
Avant de plonger dans l’aventure, il a étudié le système fiscal au Gabon, en France et au Canada. «Je voulais me lancer dans un pays qui encourage l’entrepreneuriat et où il y a des opportunités de marché encore ouvertes.»
L’entrepreneur voulait rester dans le domaine de l’équipement et de la machinerie avec une entreprise déjà existante, de préférence. Depuis qu’il est propriétaire de SM Audet, il a ouvert une succursale au Saguenay et une subdivision en Afrique.
Sa conjointe et ses enfants sont venus le rejoindre dans la région de Bellechasse. Son épouse travaille et le couple s’est intégré à son nouveau milieu. Il s’est même joint à une ligue de pétanque.
«Si on va vers les autres, on a un juste retour de ce qu’on donne», a-t-il affirmé.
«On a tout ce qu’il faut pour faire de la recherche»

En tant que spécialiste en thérapie génique, le Dr Manuel Caruso aurait pu s’établir n’importe où sur la planète, mais c’est à Québec qu’il a choisi de jeter l’ancre.
Détenteur d’un doctorat en virologie de l’Université Pierre et Marie Curie, il a réalisé plusieurs stages postdoctoraux durant quatre ans aux États-Unis.

Il a habité à New York et à Houston jusqu’au jour où il a reçu un appel du Dr Luc Bélanger, fondateur du Centre de recherche en cancérologie, l’invitant à venir le rencontrer.
À ce moment-là, le Centre de recherche en cancérologie de l’Hôtel-Dieu était tout neuf et bien équipé, ce qui a eu pour effet d’encourager le Dr Caruso à s’implanter à Québec.
Tout ce qu’il faut
«Le fait que ce soit francophone, j’ai trouvé ça intéressant. En fait, en 1997, c’était la première fois que je mettais les pieds au Québec.»
«J’avais d’autres opportunités, mais c’est celle-ci que j’ai choisie. Le directeur, le Dr Bélanger, voulait vraiment que je vienne, et c’est pourquoi j’ai accepté ce poste», a-t-il partagé.
«Pour faire de la recherche, on a tout ce qu’il faut au Québec. Il n’y a pas besoin d’aller aux États-Unis ou ailleurs.»
Le Dr Caruso possède une longue expérience en thérapie génique. Il est co-inventeur de plusieurs demandes de brevets et coauteur de plusieurs articles publiés dans des revues scientifiques. Ses recherches actuelles portent sur le développement de vecteurs viraux et de stratégies de thérapie génique pour le traitement des maladies génétiques et du cancer.
Après 25 ans, le professeur et chercheur estime qu’il se sent plus québécois que français.
Il a épousé une Québécoise originaire du Saguenay, qui lui a notamment fait découvrir la tourtière.
Deux amis se retrouvent ici à la tête d’un restaurant

Propriétaires du restaurant Saveurs de l’Inde, sur l’avenue Maguire, Tohid Chowdhury et Ali Syed Mussaddique n’ont pas toujours eu la vie facile.
Arrivés au Canada en tant que réfugiés politiques du Bangladesh, il y a 35 ans, ils sont repartis de zéro.
Ali Syed s’est d’abord établi en Ontario avant de déménager à Québec pour ouvrir un restaurant avec Tohid en 2003. Les deux familles se connaissent depuis très longtemps au Bangladesh.
«Nous étions jeunes, cela rend l’adaptation plus facile. Maintenant, Québec, c’est notre maison. C’est un endroit pacifique et les gens sont sympathiques. Nous sommes vraiment heureux d’avoir eu la chance de nous établir ici», affirme Tohid.
Ils se sentent maintenant enracinés à Québec et les deux pères de famille sont fiers de leurs enfants, tous nés au Canada. Ali Syed a deux enfants et Tohid en a trois.
Tohid aimerait retourner plus souvent dans son pays d’origine où il a encore de la famille, mais il n’a pas beaucoup de temps pour voyager avec le restaurant. La pénurie de main-d’œuvre rend les choses encore plus difficiles. Travailler 60 heures par semaine, c’est devenu la norme.
Aide des enfants
Heureusement, les deux restaurateurs reçoivent l’aide de leurs enfants qui viennent faire des heures tout en poursuivant leurs études. «Nous survivons parce que nous avons l’aide de nos enfants. Sans eux, nous serions contraints de mettre la clé dans la porte», dit M. Tohid la voix chargée d’émotion.
Lorsqu’il regarde son voisin d’en face, le restaurateur du Bab Sang, qui a fait les manchettes cette année parce qu’il était pratiquement impossible de se faire servir en français dans son établissement, Tohid se revoit en lui.
«Je l’encourage parce qu’au début, j’étais comme lui. Maintenant, j’ai 14 employés et je sers les gens depuis près de 20 ans.»
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