Bonis de 193 M$: la Caisse de dépôt ne manque pas de culot


Michel Girard
C’est quand même incroyable de voir la Caisse de dépôt et placement verser d’alléchantes primes à ses employés alors qu’elle a bouclé l’année 2022 avec de lourdes pertes de plus de 24 milliards de dollars.
Pour justifier ses juteuses primes de près de 193 millions de dollars aux employés, dont près de 11 millions $ à ses six hauts dirigeants, la Caisse mise sur l’hypothétique valeur ajoutée que les gestionnaires de portefeuille ont rapportée en 2022 par rapport à leurs indices de référence.
Question simpliste : qui dit que les indices de référence que les gestionnaires de portefeuille de la Caisse ont battus sont pertinents?
Emond persiste et signe
La Caisse a eu beau terminer l’année 2022 avec une perte de 24,6 milliards de dollars, le grand patron Charles Emond continue d’affirmer haut et fort que la Caisse a créé une valeur ajoutée de 10 milliards $ alors qu’elle a affiché une perte de 5,6 %.
Charles Emond laisse ainsi entendre qu’il nous a enrichis de 10 milliards ! D’où viennent ces «10 milliards» de valeur ajoutée? Le montant est établi en fonction de l’écart de «rendement» entre le réel portefeuille de la Caisse et le portefeuille d’indices de référence auquel elle se compare.
- Écoutez la chronique économique de Michel Girard au micro de Philippe-Vincent Foisy, tous les jours sur les ondes de QUB radio :
Comme le portefeuille de référence a fini l’année 2022 avec une perte de 8,3 %, cela fait dire au grand patron de la Caisse que lui et ses gestionnaires de portefeuille ont donc rapporté une «valeur ajoutée» de 2,7 points de pourcentage par rapport au dit portefeuille de référence (-5,6 % moins -8,3 % = +2,7 points de pourcentage en faveur de la Caisse).
C’est en se basant sur cet écart de rendement en faveur des gestionnaires de portefeuille de la Caisse de dépôt que le PDG Emond affirme que la Caisse a rapporté une « valeur ajoutée » de 10 milliards $.
Les indices de référence
Le hic avec les indices de référence? Les grands fonds de pension et grandes caisses de retraite n’utilisent pas les mêmes compositions d’indices de référence pour se comparer.
À preuve, comparons le rendement en 2022 du portefeuille de référence type des quatre grandes caisses de retraite canadiennes dont l’année financière se terminait le 31 décembre dernier.
Pendant que l’indice général du portefeuille de référence de la Caisse de dépôt et placement du Québec affichait un rendement de -8,3 %, voici le rendement en 2022 des trois autres portefeuilles de référence :
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- Teacher’s (Régime de retraite des enseignantes et des enseignants del’Ontario, RREO) : +2,3 %
- OMERS (employés municipaux de l’Ontario) : +7,2 %
- Alberta Investment Management Corporation (AIMCo) : -5,2 %
Si, par «malheur» pour eux, Charles Emond et les autres hauts dirigeants de la Caisse avaient utilisé les indices de référence de Teacher’s, OMERS ou AIMco, ils n’auraient pas affiché de valeur ajoutée. Cela aurait fait fondre leurs primes et celles des autres employés de la Caisse.
Pour défendre la baisse de rendement de 5,6 % du portefeuille de la Caisse en 2022, Charles Emond a mis la faute sur «des conditions marquées par le pire marché en 50 ans».
Il a raison de se plaindre desdites conditions difficiles, mais cela n’a pas empêché les gestionnaires de Teacher’s et d’OMERS de rapporter des vrais rendements respectifs de +4,0 % et +4,2 % en 2022. Ceux d’AIMco ont dû se contenter d’une perte de 3,4 %.