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L'article provient de Le Journal de Québec
Opinions

Blanchet a trébuché avec le troisième lien

Photo Agence QMI, Mario Beauregard
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Photo portrait de Antoine Robitaille

Antoine Robitaille

2021-08-26T09:00:00Z
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Le meilleur signe pour détecter un chef de parti dans de beaux draps ?

Lorsqu’il répond qu’il s’est exprimé, sur un sujet chaud, à titre « personnel », position différente de celle de son parti.

C’est la pitoyable pirouette qu’a servie Yves-François Blanchet hier, au sujet du troisième lien, projet de tunnel Québec-Lévis du gouvernement caquiste, polarisant (et délirant) s’il en est.

2019

Depuis le début de la campagne, le chef bloquiste avait repris sa réponse de 2019 : « Je suis pas contre, je suis pas pour : je dis que c’est [au Québec] de le faire. »

Il disait alors devoir attendre une éventuelle conclusion du Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) avant de prendre position sur le fond. En 2021, il répétait la même chose, insistant sur ceci : si Québec demande des sous d’Ottawa pour le tunnel, il est en droit de recevoir ce qui lui revient.

Cet attentisme sans enthousiasme est intellectuellement court, mais il aurait peut-être pu tenir le coup politiquement, comme en 2019.

Évolutions

Certes, le projet s’est depuis précisé. À l’époque, la CAQ promettait de le réaliser sous l’île d’Orléans. La laïcité était au-devant de la scène, voilant tout, dont le « ni oui ni non » du Bloc.

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En mai dernier, le gouvernement Legault (dans un show de boucane invraisemblable) apportait quelques précisions. Le tunnel Québec-Lévis serait d’environ 10 km, aurait deux étages et il déboucherait entre autres dans Saint-Roch !

Les conservateurs d’O’Toole ont promis d’assumer 40 % de la facture, selon ce que demande Legault. Les pressions étaient donc fortes pour que le chef du Bloc se prononce sur le fond.

Il reste qu’aucune précision au projet caquiste, depuis deux ans, ne justifiait que M. Blanchet fasse évoluer sa position. Aucune étude n’a démontré la nécessité de construire, à plus de 10 milliards $, un tunnel autoroutier à cet endroit. Aucune n’a évalué les coûts ni les effets délétères sur les quartiers centraux.

Tout ce que le gouvernement caquiste a ajouté au dossier, c’est une évaluation préliminaire des coûts. Et une carte trompeuse calquée sur les dessins d’un plan de métro, donnant l’impression d’une « toile de mobilité durable », pour parler la novlangue de Geneviève Guilbault.

Mais M. Blanchet, en se disant convaincu qu’on pouvait rendre le troisième lien « plus écologique », a mécontenté bien du monde sans pour autant lui garantir plus de votes à Québec et encore moins sur la Rive-Sud et encore moins ailleurs au Québec.

Le PQ, dont le chef a déjà qualifié le troisième lien d’« insensé », est amèrement déçu. Parmi les écologistes, Christian Savard, DG de Vivre en Ville, a twitté : « Je comprenais la position de neutralité du Bloc », mais actuellement, il semble vouloir devenir « le Bloc caquiste ». Il ajoutait que les Québécois dans l’ensemble « sont contre le projet ».

M. Blanchet, en appuyant – même du bout des lèvres – le troisième lien, rappelle aussi le ministre de l’Environnement qu’il a déjà été : celui qui déploya un argumentaire en circonvolutions pour approuver des forages pétroliers sur l’île d’Anticosti ; mais aussi celui qui permit à la cimenterie McInnis d’être construite sans passer l’épreuve du BAPE.

Sur l’environnement, on ne peut certes réduire le gouvernement Marois à cet appétit pétrolier : il mit aussi fin à l’amiante, aux minicentrales, ferma Gentilly-2, etc. M. Blanchet ne peut quand même pas soutenir que son passage à l’Environnement fut immaculé.

Enfin, il devrait s’abstenir de rabrouer les reporters de manière aussi « fendante », même en multipliant les « en tout respect », « en toute amitié ». C’est là un autre signe qu’un chef est dans de beaux draps.

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