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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Bissonnette va-t-il finir sa vie en prison?

Photos d’archives
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Photo portrait de François-David Bernier

François-David Bernier

2021-12-04T05:46:58Z
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La Cour suprême du Canada, le plus haut tribunal du pays, doit remettre les pendules à l’heure en matière de cumul de périodes d’inéligibilité à la libération conditionnelle. Présentement, rien n’est clair au Canada au sujet du cumul de périodes d’inadmissibilité à la libération conditionnelle. Des périodes d’inéligibilité allant de 75 à 25 ans ont été ordonnées. Dès lors, peut-on être plus sévère que la prison à vie sans ordonner la peine de mort?

D’entrée de jeu, la Cour d’appel du Québec avait déclaré l’article 745.51 du Code criminel, qui permet le cumul de la période d’inéligibilité à la libération conditionnelle lors de meurtres multiples, inconstitutionnel, le définissant comme « absurde ». Cet article, de l’ère de Stephen Harper, n’est pas très clair et a été interprété de plusieurs manières à travers le pays. Certains juges ont simplement cumulé le 25 ans d’inéligibilité par nombre de victimes. Un juge est même allé jusqu'à imposer une période d’inéligibilité de 75 ans et un autre de 50 ans. Toutefois, ces décisions n’ont pas été portées devant la Cour suprême du Canada et c’est pourquoi une décision phare en la matière découlera de l’affaire Bissonnette. 

En vertu de l’article 745.51 du Code criminel, il était possible de demander dans l’affaire Bissonnette une période d’inéligibilité à la libération conditionnelle de 150 ans. Cela nous fait penser au modèle américain où l’on voit des peines d’emprisonnements de centaines d’années. On peut penser à Bernard Madoff qui purgeait une peine de 150 ans et qui est mort en prison à l’âge de 82 ans. Effectivement, un peu absurde, comme l’ont mentionné les juges de la Cour d’appel puisque l’humain ne vit pas aussi longtemps. 

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Au Canada, la réhabilitation des prévenus est au cœur de notre système judiciaire. La défense dans l’affaire Bissonnette l’a bien plaidé. Elle alléguait que d’ordonner des peines aussi importantes équivalait à une peine cruelle et inusitée et allait à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. On prétendait même que d’enlever tout espoir de réhabilitation à un individu équivalait à une peine de mort.

Visionnez la capsule vidéo de Me François-David Bernier sur ce sujet:

Dans tous les cas, cet article sera, à mon avis, jugé inconstitutionnel. Le juge François Huot de la Cour supérieure du Québec l’avait également jugé inconstitutionnel, mais avait tenté de le réparer en modifiant l’article. Il avait ainsi déterminé que la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle pour Bissonnette serait de 40 ans. Cette décision a été renversée par la Cour d’appel du Québec. Les juges de la Cour d’appel ont ainsi déterminé que le juge Huot, malgré sa bonne volonté, ne pouvait modifier l’article et que c’était au législateur de réécrire la loi et non au juge.

Il est fort à parier que la Cour suprême du Canada tentera de faire la lumière sur cet article controversé de cumul des périodes d’inéligibilité. Tel que le juge Huot l’a si bien dit : « il est difficile de quantifier l’horreur ». On comprend bien l’intention du gouvernement Harper d’avoir voulu donner un exemple plus grand, plus fort, faire que quelqu’un qui fait plusieurs meurtres soit condamné plus sévèrement que la prison à vie, et ce, en allongeant la période pour demander la libération conditionnelle. Cependant, il ne faut pas oublier un des piliers de notre système judiciaire : la réhabilitation. Il ne faut perdre de vue qu’une peine ne doit pas être une vengeance, mais doit être dans le but de faire comprendre à la personne qui a commis le crime que c’était mal. 

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Au final, c’est difficile d’être plus sévère que la prison à vie qui a remplacé la peine de mort. C’était un choix de société. On a décidé le chiffre de 25 ans pour avoir accès à la libération conditionnelle pour permettre que la réhabilitation soit possible. Il ne faut pas oublier que notre système est doté d’une institution très importante qui est la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Un prisonnier qui n’est pas réhabilité n’aura pas accès à la libération conditionnelle. On peut penser au cas de Paul Bernardo, aujourd’hui âgé de 57 ans, qui purge une peine d’emprisonnement à perpétuité pour meurtres au premier degré, enlèvements et agressions sexuelles graves, et qui se fait constamment refuser sa libération conditionnelle.

Malgré l’horreur sans nom des crimes qui ont été commis dans ce dossier, je crois que le problème réside plutôt dans le manque de confiance de la population envers le système judiciaire. Si on avait confiance au jugement des commissaires de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, ce débat serait complètement inutile. La solution réside donc plutôt, à mon avis, dans l’investissement de ressource et à l’amélioration de la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Concernant l’opinion publique vis-à-vis le système judiciaire, si les gens connaissaient mieux la Commission des libérations conditionnelles du Canada ainsi que ses fonctions, cela aiderait grandement. On arrêterait de croire que la prison à vie, c’est 25 ans d’emprisonnement.

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