Beyoncé venge la culture afro-américaine en gagnant l’album country de l’année aux Grammys


Andrea Lubeck
Beyoncé a (encore) écrit l’histoire. Dimanche soir, elle est devenue la première femme noire à remporter le Grammy de l'album country de l’année. Sur Cowboy Carter, Queen B rappelle pourtant que ce genre musical est ancré dans la culture afro-américaine.
Pendant la cérémonie, la chanteuse originaire de Houston, au Texas, a également mis la main pour la première fois sur le prestigieux prix d’album de l’année. Elle est la première femme noire à recevoir cette statuette en plus de 25 ans, la dernière étant Lauryn Hill en 1999, et la quatrième en tout (Whitney Houston s’est vue décerner le prix en 1994 et Nathalie Cole en 1992).
Beyoncé est aussi l'artiste ayant remporté le plus de Grammy en carrière, avec un total de 35 statuettes, et l’artiste ayant reçu le plus de nominations de l’histoire du gala, avec 99.
Un cours d’histoire musical
Cowboy Country est le deuxième album d’une trilogie qui sert de cours d’histoire de la musique. Beyoncé y explore des genres musicaux que les communautés noires ont permis de façonner, mais que les Blancs se sont appropriés. Avec Renaissance, il y a eu le house et le disco, puis le country avec son second acte.
C’est du moins la théorie à laquelle plusieurs mélomanes — y compris la chercheuse spécialisée en musique country Jada Watson — adhèrent.
En entrevue à 24 heures en avril dernier, la professeure adjointe à l’Université d’Ottawa a rappelé que plusieurs musiciens noirs ont enseigné à de grandes stars de la musique country. Elle pense notamment à Leslie Riddle, qui a agi à titre de «mentor» pour la Carter Family, un groupe américain mythique du genre.
«Il y a des musiciens noirs qui ne sont pas inclus dans le grand narratif de la musique country, mais qui ont toujours été là, en arrière-scène. Ils ont influencé les musiciens blancs qu’on considère comme les parents du country», a précisé la chercheuse.
Conséquence de la ségrégation raciale
Il faut dire que la ségrégation raciale qui sévissait aux États-Unis jusque dans les années 1960 a percolé jusque dans l’industrie musicale. Les conséquences se font toujours ressentir aujourd’hui.
Par exemple, les musiciens noirs comptent pour à peine 2% des artistes joués sur les ondes des radios country. Pour les femmes noires, la représentation est encore plus famélique: on parle de 0,02% des rotations, selon les calculs de Jada Watson.
Beyoncé est-elle en train d'ébranler les colonnes du temple country? Pas vraiment, croit la chercheuse.
Aussi «extraordinaire» soit-il, Cowboy Carter ne va améliorer le sort des musiciens country noirs. «Il n’y a pas vraiment de système équitable pour les artistes noirs (...) et l’industrie ne veut pas changer ces systèmes d’oppression», affirme-t-elle.
Beyoncé n'avait d'ailleurs reçu aucune nomination pour son album Cowboy Carter lors des derniers Country Music Association Awards.