Beterbiev, le prix du sang


Réjean Tremblay
Artur Beterbiev contre Joe Smith fils. Dans un théâtre de Madison Square Garden. Dans un combat d’unification. Trois ceintures en jeu. Deux gros cogneurs qui s’affrontent. Dont un qui a pratiquement mis fin à la carrière d’Eleider Alvarez à Las Vegas après sa défaite contre Sergey Kovalev.
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Et qui a culbuté cul par-dessus tête Bernard Hopkins... pour vraiment mettre fin à sa carrière.
Joe Smith est bon. Il est fort. Il est courageux et a consacré sa vie d’adulte à la boxe après avoir travaillé dans la construction.
Joe Smith est bon, mais Artur, c’est Artur.
MORT À 7 H
Trois matins par semaine, Beterbiev se rend au centre Claude-Robillard. Son bourreau l’attend. André Kulesza est un sadique dans un camp d’entraînement. On dirait qu’il invente de nouvelles façons de tuer son boxeur. Des poids, des ballons, de la course, d’autres poids, d’autres ballons, des cordes de marin, des poids individuels, des levés sous torsion, le coach en invente chaque semaine.
Est-ce assez pour décourager Artur Beterbiev ? Pour lui faire rater un entraînement quand il fait -20 ?
Kulesza répond avec le sourire.
« Artur m’a dit que le matin où il ne sera pas au gym à 7 h, c’est parce qu’il sera mort. »
J’ai souvent vu travailler André Kulesza. Il n’a pas de bon sens. Un pur produit de l’école soviétique. Il sourit, mais on dirait qu’il n’a pas de cœur. Il avait le don de pousser Lucian Bute à des limites impossibles. Beterbiev, c’est comme la Ligue nationale et le midget AAA tellement l’entraînement est démesuré. Il sue sang et eau.
Et ça n’empêche pas Beterbiev de se retrouver dans le ring de Marc Ramsay en après-midi. Et d’en redemander. Ramsay m’a déjà longuement expliqué comment c’était demandant d’être le coach de Beterbiev. Il exige toujours plus, il veut toujours expérimenter du nouveau. En connaître plus, tout en en faisant encore plus. Toujours plus.
C’est pour ça que Marcus Browne a fini par rester à genoux. Pour ça qu’Oleksandr Gvozdyk a fini par ne pas vouloir se relever. Parce qu’il était écœuré de se faire rouler dessus par un tank.
Sans allusion au fait qu’il est Ukrainien...
ARTUR EST BOUGONNEUX
Hier matin à New York, Beterbiev était bougonneux. Même si ce n’est jamais un gros problème de faire le poids, ce n’est jamais agréable pour un boxeur. La déshydratation est désagréable et parfois souffrante.
Ramsay était de bonne humeur malgré le stress d’un important combat au Madison Square Garden. Dans la Grosse Pomme qui, comme on le sait, est une copie de Shawinigan.
Ma première question n’était pas très originale. Comment on se prépare à affronter un aussi gros cogneur que Smith ? Et comment on fait pour couper le ring sans trop s’exposer ?
« Dans L’Art de la guerre, on nous dit que l’on doit emmener l’ennemi sur son terrain. Artur sait comment imposer son territoire. Il faut être en mesure de surpasser en puissance et en volume les coups de l’adversaire », répond Ramsay.
« Le plus important, ce n’est pas ce que Joe Smith est capable de faire. On le connaît très bien. Il est fort physiquement et il se donne toujours à pleine mesure. Ce qui va compter, c’est qu’Artur se batte comme il veut se battre. Que ce soit lui qui impose son style et sa façon. Qu’il affirme dans le ring : “Voici qui je suis. Qu’est-ce que je peux imposer dans ce ring”. Nous avons travaillé très fort sur plein de détails techniques. Des détails qui font la différence. Artur a gagné par knock-out tous ses combats, mais c’est un boxeur complet qui offre toutes les nuances de la boxe dans un combat », de dire Ramsay.
Et puis, Ramsay ne peut pécher par excès de confiance. C’est lui qui était dans le coin d’Alvarez quand il s’est fait démolir par Smith.
« Alvarez et Beterbiev, c’est deux mondes. Et puis Eleider avait déjà entrepris son ralentissement. J’étais allé à ce combat avec une grande inquiétude », répond-il.
DES COGNEURS
Smith n’est pas le premier gros cogneur qu’affronte Beterbiev. -Ramsay souligne que Beterbiev a complètement démoli Callum Johnson, Gabriel Campillo et Tavoris Cloud et il oublie Browne.
Aux États-Unis, on fait la promotion d’un combat de monstres. Je vais être plus courtois. Joe Smith fils peut gagner. Il frappe assez dur pour ébranler Beterbiev, qui est déjà allé au tapis à quelques reprises dans sa carrière.
Mais Beterbiev est meilleur boxeur. Personne au monde, à moins de vivre sur Mars, ne peut être en meilleure condition physique pour un combat de boxe. Et il finit toujours par user ses adversaires. Avant de les achever.
Artur Beterbiev entre le huitième et le 10e. Abandon ou arrêt de l’arbitre. À RDS à 22 h.