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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

Des techniciens de Bell rémunérés 24$ pour 80 heures avec des talons de paye «in english only»

Des employés de Bell Solutions Techniques dénoncent sur l'intranet les erreurs de paie catastrophiques depuis la migration informatique de mai : certains ont reçu 24 $ pour 80 heures de travail.
Des employés de Bell Solutions Techniques dénoncent sur l'intranet les erreurs de paie catastrophiques depuis la migration informatique de mai : certains ont reçu 24 $ pour 80 heures de travail. PHOTOMONTAGE LE JOURNAL
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Photo portrait de Julien McEvoy

Julien McEvoy

2025-07-10T04:00:00Z
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Des techniciens de Bell Solutions techniques (BST) vivent un cauchemar administratif depuis la migration de leur système de paye en mai dernier: certains ont été payés 24$ pour 80 heures, d’autres ont eu des soldes négatifs, et plusieurs ont reçu leurs talons de paye uniquement en anglais.

«24$ pour 80 heures de travail, c’est de l’esclavage moderne», dénonce un employé sur l’intranet de BST. Le Journal a eu accès à de nombreuses discussions animées entre la direction et les employés.

Près de 460 employés seraient touchés, mais Bell refuse de dire combien. «La migration a effectivement entraîné des irrégularités qui touchent une minorité de nos employés syndiqués», reconnaît David Marcille, porte-parole de l’entreprise.

La migration du système SAP, annoncée comme «complétée avec succès» par Bell le 23 mai, devait améliorer l’expérience des employés. Dans les faits, elle a créé une triple crise: financière, linguistique et légale.

• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Alexandre Dubé, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

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Une migration qui accumule les violations

Depuis mai, Bell prélève aussi des «frais humanitaires» automatiquement sur les salaires déjà amputés de ses techniciens, et elle impose à certains des talons de paye uniquement en anglais.

«Mon talon paye est encore en anglais même si j’ai choisi français comme préférence de langue», déplorait l’un d’eux le 18 juin sur l’intranet. Une situation qui viole potentiellement les droits linguistiques de ces travailleurs québécois.

Marc Boudreau, avocat spécialisé en droit du travail, ne mâche pas ses mots: «L’employeur est responsable de son système. La seule fois où j’ai vu ça, c’était avec Phénix au fédéral.»

Bell devrait immédiatement avancer des fonds pour corriger la situation, selon lui. «Quand on a des problèmes de système, on fait des chèques manuels. On ne laisse pas les employés dans le trouble», insiste l’avocat.

Quant aux prélèvements non autorisés, ils sont «inacceptables», car «la seule chose qu’un employeur est autorisé à percevoir, ce sont les déductions à la source, les retenues salariales et les cotisations syndicales».

Tout est réglé, selon Bell

Le porte-parole de Bell promet que «tous les employés impactés reçoivent un chèque de paye» et anticipe «la résolution des problèmes pour tous les autres membres de l’équipe dans les prochains jours».

Une version contredite par ce que des techniciens nous ont raconté de vive voix et par ce qu’ils racontent sur l’intranet.

«On n’a pas besoin de vos excuses, on a besoin de notre argent», écrit un technicien. «Fait plus de quatre cycles de paye qu’il y a des MAJEURES erreurs de PAYE», ajoute un autre, après avoir calculé qu’avec 24$ pour 80 heures, il peut «acheter son petit trio Big Mac avec grosse frite».

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Pour les talons en anglais, Bell explique que «certains employés ont eu accès à un navigateur en anglais [et que] cette situation a été résolue rapidement». Pour les «frais humanitaires», l’entreprise admet qu’«une erreur de programmation a entraîné des prélèvements indus» et promet des remboursements rétroactifs.

Le syndicat dénonce l’inacceptable

Unifor, qui représente les employés de BST, ne décolère pas. «Des employés ne reçoivent pas leurs payes durement gagnées dans les délais prévus. Bell a eu amplement de temps», dénonce l’organisation dans un communiqué interne.

Dans la rue, on se croise les doigts. «Il y en a 460 qui ont fait une prière pour jeudi», a lancé en riant un technicien interrogé mardi par Le Journal au sujet de la prochaine paye.

Le fiasco en 10 dates

Décembre 2024: première annonce de la migration SAP prévue pour mai 2025

Avril 2025: confirmation de la migration avec nouveau calendrier de paye

14 mai: rappel aux employés des changements avec formation obligatoire

23 mai: annonce officielle d’une «migration complétée avec succès»

5 juin: première paye avec le nouveau système, premier courriel des RH de BST reconnaissant des problèmes

18 juin: premiers témoignages concernant des talons de paye en anglais uniquement

20 juin: multiplication des plaintes des employés sur l’intranet

1er juillet: communication officielle admettant les «anomalies»

3 juillet: communiqué syndical d’Unifor dénonçant la situation

8 juillet: deuxième communiqué syndical avec procédures de recours

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