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L'article provient de TVA Nouvelles
Société

Bedford: la laïcité n’empêchera pas les profs de crier et d’insulter les élèves, rappellent des experts

Les compétences des enseignants et la mauvaise gestion scolaire sont au cœur du problème, affirment-ils

Photo PIERRE-PAUL POULIN
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Photo portrait de Dominique  Scali

Dominique Scali

2024-10-29T04:00:00Z
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Renforcer la laïcité n’empêchera en rien les enseignants de crier et de rabaisser leurs élèves, rappellent des experts qui croient que le gouvernement doit s’attaquer au manque d’encadrement des profs, dans la foulée de l’affaire Bedford.

«Le fait de crier sur les élèves, ça n’a rien de religieux», rappelle Geneviève Sirois, professeure au Département d’éducation de la TÉLUQ.

«Pour moi, c’est marteler le mauvais clou. C’est un clou électoraliste», résume-t-elle.

Dans les derniers jours, le gouvernement Legault et le Parti Québécois ont réagi au scandale de l’école Bedford en proposant de renforcer la loi sur la laïcité et de «faire le ménage» du religieux dans le monde scolaire.

Dans le rapport du ministère, les enquêteurs relatent trois incidents à caractère religieux, dont deux sur lesquels «peu d’observations ont été rapportées», peut-on lire dans le document.

En revanche, «le cri sur les élèves et les techniques d’humiliation» étaient les comportements les plus généralisés, ont constaté les enquêteurs.

Cette attitude rappelle celle d’un enseignant de la Pointe-de-l’Île qui vient tout juste de perdre son brevet. Il se disait ouvertement pour la laïcité.

Incompétence

Le Journal a consulté sept experts dans divers domaines. Tous croient que, même si la laïcité est importante, le sujet est en train d’occulter le cœur du problème, ou ne suffira pas à l'enrayer.

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Le nerf de la guerre, c’est «l’incompétence», résume Maryse Potvin, professeure au Département d’éducation à l’UQAM.

«Si tu n’es pas capable de t’empêcher de crier, après deux ou trois avertissements, c’est out». Que les enseignants en question n’aient pas été informés de ces balises ou qu’ils les aient sciemment ignorées, il s’agit de fautes professionnelles, résume-t-elle.

Plusieurs experts mentionnent d’ailleurs l’idée d’un ordre professionnel des enseignants.

«Si on n’avait pas eu de problèmes de gouvernance et de gestion [dans nos écoles], on ne se serait jamais rendus là», dit Mme Sirois.

Elle cite la pénurie de personnel, qui pousse non seulement les écoles à embaucher des enseignants non qualifiés, mais fait aussi en sorte qu’on manque de bras pour les encadrer. «Le système est rendu à sa limite», résume-t-elle.

Cadres en sous-nombre

En théorie, «ce n’est pas plus difficile de congédier un enseignant qu’un policier, une infirmière ou un employé syndiqué», explique Éric Morissette, qui a été directeur d’école pendant 15 ans avant de devenir professeur à l’Université de Montréal.

La différence, c’est que dans une école, on trouvera une seule direction pour une quarantaine d’employés et potentiellement 500 élèves. C’est un ratio incomparable avec ce qu’on retrouve dans les hôpitaux, dans l’armée ou dans les centres jeunesse, illustre-t-il.

De plus, les directions d’école sont des enseignants qui ne sont spécialisés ni en droit ni en ressources humaines. Pas étonnant qu’elles peinent à trouver le temps de monter des dossiers disciplinaires capables de passer le test des tribunaux, note-t-il.

De son côté, le cabinet de Bernard Drainville rappelle que dans toutes entrevues accordées par le ministre, il a été question de la compétence des enseignants.

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