Ballons-espions chinois et ballons-bombes japonais


Normand Lester
Les Américains ont abattu hier un ballon chinois près des côtes de la Caroline du Sud. Pékin affirme que c’était un ballon de recherche atmosphérique qui a dérivé vers l’Amérique à cause des vents, survolant l'Alaska et le Canada avant d'atteindre les États-Unis. Washington dit qu’il s’agit d’une opération d’espionnage.
Pourtant, les Chinois ont des satellites-espions beaucoup plus efficaces... et plus discrets. Ils se seraient adonnés à une provocation - le secrétaire d’État Blinken était attendu à Pékin - pour humilier le président Biden ? Vraiment ? Les Américains vont analyser les débris du ballon qu’ils ont récupéré. On verra bien.
Ce n’est pas la première fois qu’un ballon venant d’Asie sème l’effroi en Amérique du Nord : les Japonais ont lancé des ballons-bombes contre les États-Unis et le Canada durant la Seconde Guerre mondiale. Dans les derniers mois du conflit, Tokyo a décidé d’utiliser des ballons-bombes pour se venger des attaques dévastatrices américaines contre les villes japonaises.
Les ballons-bombes, connus sous le nom de Fu-Go devaient déclencher des incendies de forêt massifs et même, par chance, provoquer des incendies dans les centres urbains, causant des paniques massives. Ça n’a pas fonctionné. Les bombes incendiaires n’ont causé que des dégâts mineurs notamment en raison des conditions hivernales humides.
Ballons-bombes : bons baisers de Tokyo
De novembre 1944 à avril 1945, Tokyo a lancé quelque 9 300 ballons-bombes au-dessus de l'océan Pacifique à partir de trois sites de l'île principale du Japon, Honshu à 7 500 km environ de la côte nord-américaine. Si la météo était bonne et les vents favorables, 200 à 300 ballons pouvaient être lancés quotidiennement. Gonflés à l’hydrogène et portés par le jet-stream, ils traversaient le Pacifique à 60 km/heure à 10 km d’altitude en quelque cinq jours. Seulement 10 % des ballons-bombes largués atteignaient l'Amérique du Nord.
Les ballons-bombes étaient constitués de 600 feuilles de papier «washi», qui sert au Japon à la fabrication de cerfs-volants et d’éventails, et avaient 10,6 m de diamètre. Suspendue sous le ballon à partir de 19 lignes de haubans de 15m de long se trouvait une petite nacelle avec quatre bombes, deux anti personnels et deux incendiaires de 11 kilos.
Plusieurs ballons-bombes ont atterri en Colombie-Britannique, au Yukon, en Alberta, , en Saskatchewan au Manitoba et dans les Territoires du Nord-Ouest. Cinq ont été abattus par l'Aviation canadienne. Aux États-Unis quelques 220 ballons-bombes ont été retrouvés dans 18 États américains, dont au Michigan, l’état le plus à l’est répertorié.
Chut ! C’est interdit d’en parler
Le Bureau américain de la censure de guerre interdisait aux éditeurs de journaux et aux radiodiffuseurs d’en faire état. Au Canada, la GRC demandait à ceux qui trouvaient des ballons-bombes de n’en parler à personne pour éviter la panique.
Ce n'est qu'après la première et unique attaque mortelle que l'interdiction de publication a été levée. Une enseignante et cinq enfants qui pique-niquaient dans les bois de l'Oregon ont été tués lorsqu’un ballon-bombe a explosé en mai 1945.
Les restes de deux de ces ballons-bombes ont été retrouvés encore récemment en Colombie-Britannique, l’un près de McBride en 2019, l’autre, près de Lumby en 2014, avait dû être détonné par une équipe de la Marine canadienne.