AVERTISSEMENT! Ma photo pourrait heurter votre sensibilité!


Joseph Facal
J’étais vivant, je suis mort, je suis ressuscité. C’est Pâques à Noël.
Je vous raconte.
Je suis un diplômé du Cégep Garneau.
Ma photo y figure sur un mur qui souligne les trajectoires de certains anciens étudiants.
Rassurez-vous, ma tête garde sa dimension normale et franchit aisément une porte.
Réfléchir?
En raison des opinions que j’exprime dans ce journal, une plainte fut logée. Ma photo dérangerait.
La direction des ressources humaines s’empressa donc de la retirer.
Des gens notent alors ma disparition.
On questionne l’administration. Elle ne répond pas.
Une journaliste se met sur l’affaire. Elle questionne le cégep. On la fait attendre.
Devinez quoi? Juste avant qu’on lui réponde, ma photo retrouve sa place. Coudonc...
La directrice des communications du cégep s’explique: des «membres de la communauté» se sont dits «heurtés», le personnel administratif fut sensible «au malaise», et on enleva la photo «temporairement, le temps de réfléchir à la situation».
Elle convient que c’était une décision «précipitée», mais sans mauvaise foi, car voyez-vous, c’est important la liberté d’expression.
Admirons ensemble ce petit bijou de langue de bois, cousu de fil blanc.
Enlevée «temporairement»? Pour réfléchir à quoi? Et on enlève AVANT de réfléchir??
Soyez sûrs que, si des gens n’avaient pas interpellé la direction, si la journaliste n’avait pas posé des questions, la direction ne serait pas revenue en arrière.
Évidemment, sur le site web du cégep, sous l’onglet consacré à ce «Mur des Grands Diplômés», on vante beaucoup la liberté d’expression et la diversité des opinions.
J’ai des collègues qui ont fait leur petite enquête.
Les étudiants de niveau collégial lisent peu ou pas les journaux et ne savent pas qui je suis.
C’est un professeur qui s’est plaint. Il s’est vanté de son exploit, et c’est là qu’il s’est trahi.
Je sais donc de qui il s’agit. Je ne le connais pas.
Imaginez la mentalité de quelqu’un qui veut faire disparaître une photo parce qu’il ne partage pas les idées de la personne.
Imaginez si cette personne avait un réel pouvoir au-delà des murs de son institution.
Imaginez ensuite la lâcheté, la veulerie des administrateurs qui plient immédiatement.
L’olibrius à l’origine de ma disparition m’a affublé des épithètes que vous pouvez deviner.
Un juriste respecté estime qu’il y aurait matière à poursuite pour diffamation, puisque les propos furent suivis d’une action concrète à mon endroit.
Mais si on demandait réparation à tous les abrutis, on ne ferait que cela de nos journées.
Nos enfants
Je pourrais aussi étaler les noms de tous les administrateurs qui ont pris la décision ou qui l’ont laissée passer.
Mais pourquoi me venger?
Le vrai drame ne touche pas ma petite personne.
Le vrai drame est que l’éducation de nos enfants est confiée à des profs dont certains pensent comme ce triste sire et à des administrateurs dont on voit la colonne vertébrale.