Autobiographie du prince Harry : aussi rebelle qu’attachant


Louise Bourbonnais
Depuis son adolescence, le prince Harry est reconnu pour ses écarts de conduite. Excès d’alcool, consommation de drogue, mauvaises fréquentations, altercations avec des paparazzis, au point qu’on le surnommait, «l’enfant terrible». Une fois adulte, rien ne s’est arrangé pour le duc de Sussex qui fait désormais bande à part. Dans son autobiographie, Le Suppléant, on découvre un tout autre aspect du personnage. Celui d’un homme blessé, d’un duc meurtri, d’un prince vulnérable.
• À lire aussi: Le prince Harry a déjà eu recours à un «coussin de pénis sur mesure» pour éviter une engelure à sa verge princière
• À lire aussi: Diana, William, Camilla: extraits des mémoires du prince Harry
• À lire aussi: Le prince Harry trouve «dangereuse» Camilla, reine consort
La magnifique plume du journaliste et romancier J. R. Moehringer, lauréat du prix Pulitzer en 2000, qui a amené une belle touche de compassion aux mots touchants du prince Harry, parvient à plonger les lecteurs dans un univers surréaliste.
On se transporte dans de somptueux palais de contes de fée, mais à cette vie de rêve est rattachée la froideur glaciale d’un monde si rigide qu’on en vient à se demander s’il s’agit d’humains robotisés ou bien de gens sans cœur.
L’histoire du Suppléant est si touchante que non seulement nous sommes prêts à lui pardonner toutes ses maladresses et ses bêtises, mais nous avons envie de l’aimer, de le consoler et de le prendre dans nos bras pour lui dire que ce n’est pas grave.
La mort de Diana
D’emblée, dans les premières pages du livre, on comprend l’indifférence de ses proches à son égard, alors qu’il se rend dans les jardins de Frogmore, adjacent au château de Windsor, pour les funérailles de son grand-père, le prince Philip, duc d'Édimbourg. Pour Harry, chacune des funérailles est pénible, car cela lui rappelle la mort de sa mère, la princesse Diana, celle qu’il a tant aimée, se souvenant à quel point elle le chérissait. Aujourd’hui, à 38 ans, il l’aime toujours autant. Il se sent aussi coupable de ne pas avoir pleuré lors de sa mort, alors qu’il voyait devant lui des milliers d’étrangers dans la rue pleurant sa mère, la princesse du peuple. Un départ qui l’a tant fait souffrir alors qu’il n’avait que 12 ans. Dans les faits, il croyait que sa mère allait revenir, qu’elle se cachait quelque part et qu’elle reviendrait. Le jeune prince était incapable d’accepter la mort de sa mère; il lui était impossible de croire à l’inéluctable. Les émouvantes funérailles, retransmises sous le regard de 2,5 milliards de téléspectateurs, n’étaient pour lui qu’une grande mise en scène. Diana allait réapparaître un jour.
Dans son livre, on constate qu’elle occupe toujours une place très importante dans le cœur d’Harry qui lui parle encore comme si elle était là, sur un nuage, à le regarder. L’amour de sa mère est une lumière aussi puissante que la voie lactée à ses yeux. «Je me demande ce que ma mère dirait de tout ça», se demande-t-il.
Il faut dire, que durant des années, on lui avait caché les terribles photos de l’accident survenu dans le tunnel de l’Alma.
Puis, lorsqu’il comprendra, il détestera les paparazzis et les médias. Tout au long du livre, on ressentira cette haine qu’il entretient envers eux, notamment les tabloïds britanniques. Encore aujourd’hui, ce sont eux les responsables de tous ses malheurs.
La roue de secours
Le Suppléant -- The Spear dans la version originale -- fait allusion à son rang; c’est un peu comme la roue de secours ou la bouée de sauvetage.
L’expression est apparue lorsqu’encore enfant il a surpris une conversation entre son père et sa mère. Charles disait à Diana, «... tu m’as donné un successeur, c’est très bien et un "spear"...». Difficile dans de telles conditions de grandir avec une belle estime de soi. Avoir les mêmes parents, la même vie que son frère, mais l’un sera le futur roi, le grand héros avec tous les honneurs, alors que l’autre était là simplement au cas où un malheur surviendrait au principal concerné.
Durant son enfance, Harry, même s’il était prince a grandi comme plusieurs autres enfants, en grande partie grâce à sa mère, la princesse de Galles. Comme dans plusieurs familles, il y avait quelques différends entre Harry et William, sans plus.
Puis il y a eu des drames. Le divorce très médiatisé de ses parents, ensuite la mort tragique de Diana. S’ajoutent les rumeurs selon lesquelles son père ne serait peut-être pas le prince Charles, mais l’amant de sa mère.
C’est à l’adolescence, prenant davantage conscience de son rang, alors 3e à la succession du trône tandis que tous les regards étaient tournés vers son frère, plus beau, plus doué à l’école et surtout plus important pour la monarchie, qu’il s’est mis à faire des bêtises. Une façon d’attirer l’attention.
Les choses ont empiré après le mariage de son frère William avec Kate Middleton et qu’ils ont eu des enfants. Trois. Sa succession au trône était devenue quasi impossible.
Les bêtises se sont multipliées, la drogue, les photos de lui nu avec des filles à Vegas, le déguisement nazi à l’Halloween. On apprend d’ailleurs que ce costume était l’idée de son frère William et que même Kate en avait bien ri. Pourtant, c’est lui que l’on a critiqué sévèrement sur la place publique et, aujourd’hui, il regrette toutes ces bêtises amèrement.
L'arrivée de Meghan
Le mélodrame a empiré lorsqu’il a introduit Meghan Markle à la famille royale, avouant ses intentions de l’épouser. Même son frère William était contre, parce qu’elle était divorcée, actrice, américaine et métissée. Deux ans après son mariage, il se retirera de la monarchie pour vivre en Californie.
Harry, qui a servi l'armée britannique pendant 10 ans, admet aimer son grand frère William, et semble désolé de n’avoir aucun contact avec lui, pas plus qu’avec son père.
S’il souhaitait une réconciliation, pourquoi alors jeter de l’huile sur le feu avec ce livre? Les diverses entrevues accordées précédemment à des médias lançant de nombreuses accusations contre la famille royale, avaient déjà envenimé les relations. En bout de ligne, il est légitime de s'interroger sur les véritables intentions du prince Harry, en levant le voile sur des histoires de famille pas vraiment jolies à entendre.
En racontant que son frère l’a agressé ou qu’il était contre le mariage de son père avec Camilla Parker Bowles, «la vilaine», on se demande s’il veut tuer la monarchie.
J’en doute. Harry fait souvent des faux pas, mais il n’est pas méchant. Les mauvaises langues diront qu’il s’agit d’une vengeance, de faire un coup d’argent ou qu'il aura eu voulu redorer son blason. Une façon de faire sa place, en jouant à la victime, même si c’est maladroit.
Moi je dirais que le prince a beaucoup souffert et malheureusement, il souffre encore. C’est triste, mais c’est la réalité.
_______________________________________________________________________
Prince Harry
Éditions Fayard
544 pages