Au temps des Québécois glorieux

Le Québec est en deuil.  

Il vient de perdre Guy Lafleur, victime d’un cancer que l’on avait compris incurable, cette sale maladie qui fauche les hommes et les femmes alors qu’ils se croyaient encore promis à de belles et nombreuses années. 

Il perd un héros, car Guy Lafleur fut un héros québécois, semblable à Maurice Richard, mais dans une époque qui n’était plus celle du Rocket. 

Rocket

Maurice Richard fut le génial bagarreur d’un peuple qui était encore écrasé, et qui incarnait sa meilleure part: une résistance pugnace, entêtée, une volonté de vivre et de se battre, contre le mépris ambiant, contre l’arrogance de ceux qui nous prenaient pour un sous-peuple d’Amérique du Nord. 

Guy Lafleur est arrivé après, dans un contexte qui n’était plus du tout le même. Il était flamboyant comme le Québec était alors radieux, fier, émancipé et convaincu d’avoir renversé le mauvais sort qui le condamnait à la périphérie de l’histoire et aux réussites compensatoires. 

Les deux avaient une puissante énergie, mais ce n’était pas la même. 

Le Rocket avait l’énergie du désespoir, l’énergie des teigneux, l’énergie des hommes qui ne s’écraseront jamais. 

Guy Lafleur avait la grâce des hommes qui croient que le monde leur appartient, que l’avenir leur réserve le meilleur. 

Je ne suis pas de la génération qui a vu Guy Lafleur sur la glace. Les héros du Canadien de mon enfance n’étaient plus nécessairement des Québécois, même si, en plus de Mats Naslund et Bobby Smith, je vénérais Stéphane Richer et admirais Patrick Roy. 

Lafleur

Mais je vivais, que dis-je, nous vivions dans le souvenir de Guy Lafleur, du Démon blond, du fabuleux joueur, du gentleman hockeyeur. 

Je me désole aujourd’hui du départ d’un homme qui représente la meilleure part de nous-mêmes et qui incarne une époque où le Québec trouvait en lui une source de fierté.