Au Japon, une ex-rockeuse espère accéder au pouvoir


Normand Lester
Ancienne batteuse d’un groupe heavy metal à l’université, Sanae Takaichi, 64 ans, la présidente du Parti libéral-démocrate (PLD), rêve de devenir la première femme à diriger le Japon. Ce n’est pas chose faite!
L’effondrement brutal, vendredi, de la coalition entre le PLD et son partenaire minoritaire, le Komeito, amène les partis d’opposition divisés à tenter de s’unir pour l’empêcher de devenir première ministre. Le PLD, au pouvoir quasiment sans interruption depuis 1955, croit que son populisme conservateur est le meilleur moyen d’endiguer le mécontentement des Japonais à son endroit. Des années de stagnation des salaires et de hausse des prix ont érodé la confiance du public, entraînant des pertes électorales importantes.
Sanae Takaichi, Thatcher et Le Pen
Ultra-nationaliste et admiratrice de Margaret Thatcher, Sanae Takaichi défend une idéologie qui la positionne à droite de Marine Le Pen. Son accession au pouvoir assombrirait les relations de Tokyo avec la Chine et la Corée du Sud, où le Japon s’est livré à des exactions terribles durant la Seconde Guerre mondiale: elle minimise le rôle d'agresseur du Japon.
Ministre, elle s’est rendue à maintes reprises au sanctuaire de Yasukuni, où de nombreux criminels de guerre japonais sont enterrés. Lorsque son mentor, l’ancien premier ministre Shinzo Abe, s’y est rendu en 2013, Pékin et Séoul ont réagi avec fureur et Washington a manifesté sa désapprobation. On verra dans les prochains jours si Sanae Takaichi s’y rendra pour les commémorations annuelles d’automne.
Le Parti libéral-démocrate est essoufflé et doit se renouveler pour survivre. Si elle est choisie, Takaichi devra relever les défis posés par le vieillissement de la population (baisse du taux de natalité depuis 30 ans), la dette nationale colossale, la stagnation économique et l’immigration. Elle dit que le Japon devrait refuser que des personnes ayant des cultures différentes s’y établissent.
Le soutien indéfectible de Takaichi à Taïwan, avec qui elle approfondirait certainement la coopération militaire, et sa position inflexible sur les conflits territoriaux avec Pékin en mer de Chine exacerberaient les tensions régionales.
Takaichi: relancer l’économie
Économiquement, elle s’est engagée à respecter l’accord conclu avec Trump: en échange d’un allègement tarifaire, le Japon va faire des investissements considérables aux États-Unis. Elle s’est engagée à relancer son programme dit «Abenomics» de Shinzo Abe: assouplissement monétaire agressif, relance budgétaire et réformes structurelles pour stimuler l’économie, tout en mettant l’accent sur la sécurité économique et la défense.
Les excellentes relations du Canada avec le Japon devraient se poursuivre sous Sanae Takaichi. Nos échanges économiques annuels sont de plus de 36 milliards de dollars. Une rencontre entre Mark Carney et Sanae Takaichi pourrait avoir lieu le 31 octobre, lors du prochain sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) en Corée du Sud.
Le Japon est une pierre angulaire de la stratégie indopacifique du Canada. En juillet, les deux pays ont signé un accord permettant une collaboration plus étroite en matière de renseignement et de défense.