Attouchements et contrôle psychologique: il a fait vivre l’enfer à une employée adolescente
La victime du propriétaire d’une boulangerie de Lévis a raconté ces années d’angoisse où elle a été «l’obsession et le fantasme» de son patron

Pierre-Paul Biron
Attouchements sexuels, insultes, réactions violentes, propos déplacés: un boulanger de Lévis a fait vivre l’enfer à une adolescente qui travaillait dans son commerce en exerçant sur elle un contrôle psychologique aliénant que la victime a décrit au tribunal comme une «obsession» qui faisait d’elle «sa chose».
Richard Allemand devait initialement subir son procès pour contacts sexuels et exploitation sexuelle lundi, mais il a finalement enregistré des plaidoyers de culpabilité à deux accusations réduites.
L’homme de 59 ans a plaidé coupable à des chefs de voies de fait et d’actions indécentes. La procureure au dossier, Me Valérie Simard-Croteau, précise que ces changements découlent de négociations entre les parties qui sont «dans l’intérêt de la justice» puisqu’un procès est évité, tout en reconnaissant le caractère sexuel des gestes posés.
Dans la trame factuelle déposée devant le tribunal, l’accusé a reconnu avoir touché les fesses et les seins de sa jeune employée durant une bonne partie de son adolescence. Il a aussi tenté de l’embrasser, en plus de frotter à plusieurs reprises son bassin sur elle lorsqu’il devait la contourner. Richard Allemand a également montré son pénis en érection à la jeune femme, au départ sous ses vêtements, avant de complètement baisser son pantalon.

«Il ne perdait pas la tête, il prenait la mienne»
Le délinquant a aussi tenu des propos à caractère sexuel à l’égard de l’adolescente, lui décrivant ses propres expériences avant de lui faire le récit des fantasmes qu’il entretenait pour elle.
«Ce que je suis devenue, c’est une proie. Un fantasme. Il m’imposait son regard, ses gestes, ses récits, ses mots sales enrobés d’humour», a relaté, dans un puissant témoignage, la victime au juge Mario Tremblay lundi matin. «Jeune comme j’étais, je pensais qu’il m’éduquait, mais non. Il me programmait à ses propres désirs.»
Cette dernière a été brisée par les agissements d’Allemand, lui qui s’emportait avec véhémence et la dénigrait lorsqu’elle refusait ses avances ou faisait part de ses malaises.
Insultes, dénigrement, cris et manipulation étaient devenus le quotidien de la jeune femme.
«Si je ne lui donnais pas l’attention exigée, je recevais un torrent d’insultes. Il m’a traitée d’égoïste, de sans-cœur, de pas-de-vie. J’ai dû subir les contrecoups de mes refus [...]. Dans ma tête c’était moi le problème, il me le répétait tellement souvent», s’est souvenue la jeune femme, émotive, décrivant les gestes de l’homme comme une «stratégie de domination».
• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission d’Isabelle Maréchal, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
«Il ne perdait pas la tête. Il prenait la mienne.»
15 mois dans la collectivité
Richard Allemand a écopé d’une peine de 15 mois dans la collectivité, sentence qui découle d’une suggestion commune des parties. Il sera également sous le coup d’une probation de trois ans avec un suivi de 18 mois à l’expiration de sa peine.
Il lui sera également interdit de se trouver en position d’autorité ou de confiance envers des personnes de moins de 18 ans, lui qui est toujours propriétaire de son commerce.

D’ailleurs, le juge Mario Tremblay a souligné que le témoignage de la victime était important en ce début de saison des emplois étudiants.
«Il y aura plusieurs milieux enrichissants, mais il va y avoir des gens qui vont être toxiques. Il faut [que les jeunes] soient éveillés à ces comportements-là et qu’ils les dénoncent. On n’a pas à tolérer ça», a rappelé le magistrat.
Ce dernier a aussi souligné la force et le courage de la plaignante, confiant qu’il n’avait jamais vu une victime dévisager avec autant d’insistance son agresseur.
«Et lui n’a jamais osé vous regarder [...]. Vous avez un peu rétabli le rapport de force entre M. Allemand et vous aujourd’hui», a fait remarquer le juge Tremblay en réponse à la conclusion de la lettre de la victime, qui affirmait n’être peut-être pas intacte, mais être enfin libre.
Extraits du puissant témoignage de la victime
- «Il s’est immiscé dans ma vie alors que je n’étais qu’une enfant, en usant de son rôle d’adulte, de patron, de figure d’autorité respectée par mes parents pour faire de moi sa chose. Il disait que j’étais à lui. Il avait le pouvoir, le contrôle et moi, je n’avais que le silence.»
- «Quand je lui disais "lâche-moi", "arrête", "ça ne me tente pas", "stop", il haussait la voix. Il me faisait sentir coupable, faible, même ingrate. Il utilisait son autorité comme un levier pour me faire taire. Et à force, je me suis tue, le laissant envahir mes frontières par peur de déplaire.»
- «S’ensuivaient des simulations explicites et détaillées de ce qu’il me ferait à moi. Je restais figée, je sortais de mon corps. Il mimait ses gestes, comment il me ferait l’amour. Mais il ne me faisait pas l’amour, il me faisait la mort.»
- «Aujourd’hui, je vous rends ce qui ne m’appartient pas. Ces fantômes que j’ai portés en silence beaucoup trop longtemps [...]. J’envoie aujourd’hui cette lumière en pleine face de la personne qui me l’avait éteinte. Je ne suis peut-être pas intacte, mais je suis vraie et je suis libre maintenant.»
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