Attentat contre Trump: le site était-il bien sécurisé?
Agence QMI, AFP
Par quel extraordinaire concours de circonstances l'homme qui a visé Donald Trump a-t-il pu se retrouver à portée de tir d'un ancien président américain, protégé par un bouclier de sécurité impressionnant et ultra-sophistiqué? Les questions douloureuses se multiplient au lendemain de la tentative d'assassinat.
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Les interrogations se concentrent surtout sur l'étendue du périmètre établi par les services de sécurité, en particulier le Secret Service, chargé de la protection des hautes personnalités politiques américaines. Il est désormais établi que le tireur se trouvait sur le toit d'un immeuble avoisinant, à moins de 150 mètres de Donald Trump.
«Le périmètre interne et aux alentours [de l’ex-président], généralement, c’est quand même assez bien protégé. Il y a beaucoup de monde sur place. C’est les périmètres externes [...] qui sont plus difficiles à contrôler. Ça prend une plus grande vigilance et beaucoup de monde sont là-dessus. Ce n’est pas si facile que ça de faire un contrôle du périmètre externe», a ainsi expliqué Mario Berniqué, capitaine retraité de la Sûreté du Québec et spécialiste en intervention policière, en entrevue à LCN.
Ce dernier a indiqué qu’il peut y avoir «des brèches» même si le site et ses alentours ont été vérifiés et ratissés la veille ou la journée même.
Selon lui, viser depuis l’extérieur est la seule façon d’exécuter un attentat du genre. «C’est très difficile de s’approcher d’un président ou d’un candidat comme ça. Ça prend des armes longues pour l’atteindre, si on veut mettre fin à ses jours avec des armes», a-t-il précisé.
Malgré cette faille à la sécurité des lieux, les services secrets sont intervenus très rapidement, d’après M. Berniqué.
«Le temps de réponse a été très rapide. Le temps pour localiser le tireur, réagir et le neutraliser, ç’a été à l’intérieur de 10 secondes», a-t-il souligné.
Comment le tireur a pu monter sur le toit?
Quelques minutes avant d’entendre les coups de feu, des spectateurs ont mentionné avoir aperçu le présumé tireur aux autorités. Pourtant, Donald Trump n’a pas été mis à l’abri à temps.
Le manque de communication entre les policiers interpellés par les spectateurs et les services secrets est clairement observable, selon le collaborateur de TVA Nouvelles, Stephan Bureau.
«Comment expliquer qu’une fraction de seconde après qu’il appuie sur la déteinte, on l’élimine instantanément?», déclare-t-il. Pendant de longues minutes, les autorités ne le voyaient pas se déplacer, mais au moment où il a tiré, il a été automatiquement «neutralisé».
L’édifice où se trouvait le présumé tireur n’a «jamais été sécurisé». Même avec des centaines d’agents sur les lieux, «personne n’était sur le toit ou autour». Pour M. Bureau, c’est «inexplicable».
«Le plus surprenant pour moi, c'est qu'alors que nous avons un ancien président sur place, que quelqu'un puisse s'approcher jusqu'à environ 140 mètres, monter sur un toit et tirer», confie Richard Goldinger, le procureur du comté de Butler, en Pennsylvanie (nord-est), où se tenait le rassemblement du candidat républicain à l'élection présidentielle de novembre.
«Je sais que nous avions des membres des forces de l'ordre dans ce bâtiment, il est donc d'autant plus surprenant qu'il ait réussi à monter là-haut».
Richard Painter, haut responsable juridique à la Maison-Blanche sous George W. Bush et aujourd'hui professeur de droit à l'Université du Minnesota, a appelé à «une enquête détaillée sur cet échec flagrant de la sécurité».
«S'il y a un toit à portée de fusil d'un président ou d'un candidat à la présidence, c'est le Secret Service qui devrait occuper ce toit. Ont-ils déjà entendu parler du Dépôt de livres scolaires du Texas ?», a-t-il lancé sur X, en référence au lieu où se trouvait l'assassin du président John Fitzgerald Kennedy à Dallas (sud) le 22 novembre 1963.
«Le tireur était hors du périmètre du Secret Service. Mais qu'est-ce que c'est que ce périmètre ? Nous savons que n'importe quel cinglé peut bien trop facilement acheter un fusil ultra-puissant aux États-Unis. Le périmètre doit aller aussi loin que porte le regard», estime-t-il.
Le président républicain de la Chambre des représentants Mike Johnson a dit dimanche avoir appelé le ministre de la Sécurité intérieure (DHS), Alejandro Mayorkas, pour lui «poser des questions difficiles» sur cette tentative d'assassinat.
«La première question que je lui ai posée, c'est de savoir si des drones étaient utilisés dans les environs. Cela me paraîtrait être l'évidence, cela permettrait de repérer quelqu'un sur un toit», a-t-il déclaré sur la chaîne NBC, ajoutant n'avoir pas reçu de réponse.
Qui sont les US Secret Service?
Dépendant initialement du département du Trésor, l'US Secret Service est passé en 2003 sous la responsabilité du DHS.
Ses agents connus dans le monde entier pour leurs lunettes noires, leurs oreillettes et leurs costumes sombres sont notamment responsables de la sécurité à vie des anciens présidents et vice-présidents, des conjoints et enfants jusqu'à l'âge de 10 ans, et des candidats à la présidentielle.
Ils assurent également la protection des chefs d'État et de gouvernement étrangers en visite officielle ou de grands événements nationaux ou internationaux, comme le sommet de l'OTAN qui s'est achevé jeudi à Washington.
Dans une vidéo publiée pas plus tard que vendredi, le Secret Service vante ses capacités technologiques, soulignant avoir lors de ce sommet «fièrement présenté le tout nouveau membre de son équipe de sécurité, un chien robot dernier cri nommé ASTRO!».
Mais les critiques se concentrent surtout sur de possibles défaillances humaines. Des témoins ont ainsi affirmé aux médias avoir signalé la présence d'un homme armé sur le toit aux services de sécurité, sans réaction de leur part.
Un ancien agent du Secret Service, Paul Eckloff, a en revanche défendu leur action, insistant sur le délicat équilibre entre les exigences de la protection des personnalités publiques et celles d'une campagne électorale.
«C'est un aller-retour constant entre le Secret Service et la sécurité de la campagne qui décide où et quand ces événements se tiennent et comment ils sont protégés», a-t-il expliqué sur la chaîne ABC.
«Jusqu'à ce que cet individu se soit manifesté comme une menace, on ne pouvait rien faire», a-t-il affirmé, faisant valoir qu'il était exclu pour les tireurs d'élite d'«abattre un civil innocent qui aurait eu le seul tort de vouloir mieux voir l'ancien président Trump».
Voyez l’entrevue complète ci-dessus.