Attaque au palais de justice de Longueuil: le débat sur la sécurité dans les palais est relancé

L'attaque gratuite sur un interprète survenue mardi à Longueuil relance le débat sur la sécurité dans les palais de justice, qui est jugée grandement déficiente par divers acteurs du système judiciaire.

«C’est épouvantable, mais je suis obligé de dire que je ne suis pas surpris. C’est sûr que ça allait arriver un jour», laisse tomber M^e Guillaume Michaud, président de l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, au sujet de l’agression au couteau au palais de justice de Longueuil.

«Les gens rentrent dans les palais comme ils entrent au supermarché, poursuit-il. C’est malheureusement le résultat du non-investissement en sécurité dans les palais de justice. Je trouve ça dommage qu’il y ait une victime qui en fasse les frais.»

Contrairement au palais de justice de Montréal, celui de Longueuil – tout comme les autres palais de la province – n’a pas de détecteurs de métal ni de fouille par rayons X aux différentes entrées pour s’assurer que personne ne pénètre dans la bâtisse en étant armé.

Question d'argent

Ce n’est cependant pas d’hier que différents syndicats et acteurs du système réclament au gouvernement un renforcement des mesures de sécurité pour protéger tous les intervenants ainsi que les victimes dans ces bâtisses où de dangereux criminels sont condamnés au quotidien.

«Ça fait des années que le dossier des arches [de sécurité] traîne, qu’on en réclame», affirme Franck Perales, président du Syndicat des constables spéciaux du gouvernement du Québec. Malheureusement, ça prend des événements tragiques pour que les choses bougent.»

• Écoutez la rencontre Dutrizac – Dumont via QUB :

D’après ces représentants, le gouvernement se retiendrait d’agir, notamment, parce qu’il serait très dispendieux de munir les palais de ces mesures de protection.

«On se fait répondre qu’il ne se passe à peu près rien [de grave]. On semble prendre ça à la légère du côté du gouvernement», constate amèrement M^e Michaud.

«Mais c’est quoi, le coût d’une vie humaine? demande-t-il, affirmant que certains procureurs ont même parfois peur de rentrer travailler.

Minimum exigé

Des avocats présents sur les lieux de l’attaque mardi ont abondé dans le même sens.

«Tous les palais devraient être sécurisés. On parle de la justice. On ne fait pas affaire avec des enfants de chœur. C’était un couteau, mais ça aurait pu être une arme à feu», a fait valoir l’avocat criminaliste M^e Patrick Davis.

«Dans un endroit où il y a autant d’émotions, souvent l’air est à couper au couteau. Ça peut même devenir acrimonieux, a ajouté son confrère M^e Martin Latour. Il devrait y avoir un minimum de sécurité.»

Pour sa part, un constable qui a demandé à taire son nom parce qu’il n'est pas autorisé à s’adresser aux médias soutient que le manque de sécurité dans les palais inquiète ses collègues.

«Avec un détecteur de métal, ils auraient pu le voir [que le suspect] avait un couteau. Tout ça ne serait pas arrivé», s’attriste-t-il.

Selon nos informations, des membres de la magistrature sont également favorables à l’implantation d’arches de sécurité dans les palais de justice.

Palais de justice de Montréal: des milliers d’objets dangereux interceptés

Entre 2018 et juin 2022, ce sont 10 145 objets dangereux qui ont été saisis au palais de justice de Montréal, un des deux seuls établissements judiciaires de la province avec la Chambre de la jeunesse dans la métropole à posséder des détecteurs de métal. Alors qu’aucune arme à feu n’a été saisie pendant cette période, de nombreux objets tranchants allant du couteau de cuisine au canif, en passant par des exactos, ont été saisis sur des visiteurs qui s'y sont rendus. D'autres objets dangereux, comme du poivre de Cayenne ou encore des tournevis et des marteaux, ont également été confisqués. 

Voici le top 10 comptabilisé par Le Journal des objets les plus fréquemment saisis.

• 1274: Paires de ciseaux
• 1204: Couteaux suisses
• 1316: Exactos complets
• 1132: Lames de rasoir et lames à exacto
• 752: Canifs
• 707: Couteaux de cuisine
• 638: Tire-bouchons
• 267: Marteaux et tournevis
• 249: Bouteilles de poivre de Cayenne
• 159: Couteaux à lame pliable

Mardi, un traducteur a été sauvagement poignardé au palais de justice de Longueuil. D’autres événements violents se sont déroulés à plusieurs reprises, au cours des dernières années, dans les établissements judiciaires de la province.

• Octobre 2020: un homme de 59 ans qui se représentait seul dans un dossier de voies de fait a attaqué, armé d’un stylo, sa victime au palais de justice de Québec.
• Octobre 2021: un accusé sans menottes a sauvagement agressé deux agents correctionnels qui le surveillaient au palais de justice de Montréal.
• Novembre 2021: une juge qui se rendait au palais de justice de Montréal a été victime d’une attaque gratuite en pleine rue, alors qu’elle se trouvait à quelques mètres de son lieu de travail.

Des attaques contre des journalistes ont également eu lieu en 2020 au palais de justice de Montréal ainsi qu’en 2017 et en 2016 au palais de justice de Québec. 

– En collaboration avec Marianne Langlois