Attaque au camion-bélier d'Amqui: un geste planifié par un individu qui en avait contre le système, selon la théorie de la Couronne
Dans une situation financière précaire, Steeve Gagnon venait de se faire supprimer le chômage maladie et en avait, semble-t-il, «contre l’État et les médecins»


Pierre-Paul Biron
RIMOUSKI | Selon le ministère public, Steeve Gagnon en avait contre le système et l’État, en plus d’avoir d’importants problèmes financiers dans les jours précédant l’attaque au camion-bélier qu’il a perpétré le 13 mars 2023 à Amqui. Des vidéos où il planifierait l’attaque, retrouvées dans son cellulaire, ont été annoncées en preuve.
Dans le résumé de la preuve que le procureur au dossier, Me Jérôme Simard, a livré au jury vendredi matin en ouverture du procès, on apprend que Steeve Gagnon avait l’intention de «faire augmenter la cote de sécurité à maximum».
Aux prises avec des problèmes de dos qui créaient des conflits avec ses médecins, tout juste informé de la fin de ses prestations de chômage maladie et d’un refus de ses demandes de chômage standard, Gagnon en avait, semble-t-il, contre l’État et plus particulièrement contre le système de santé.
«On vous démontrera qu’il entretenait une hargne importante envers les institutions, particulièrement les médecins et l’État», a exposé Me Simard au jury, précisant que Steeve Gagnon était dans une situation financière «précaire».
Il avait notamment reçu, selon le ministère public, plusieurs appels d’agences de recouvrement dans les jours précédant le drame.
Selon des admissions convenues par les parties, l’assaillant était en arrêt de maladie depuis la fin de l’été 2022. Ses prestations de chômage avaient cessé à la fin février, soit quelques jours à peine avant l’attaque dont il est accusé.

Planifié, selon la couronne
Dans des vidéos qui seront déposées en preuve, a annoncé le DPCP, Steeve Gagnon aurait tenu des propos laissant croire qu’il «planifiait une attaque avec son véhicule».
Le 13 mars 2023, il est monté à bord de sa camionnette Ford F-150 et se serait rendu dans la cour de la polyvalente d’Amqui. Il aurait préalablement fait des recherches sur le web pour connaître les dates de la semaine de relâche de l’établissement.
Il s’est ensuite rendu sur le boulevard Saint-Benoit, a décrit Me Simard, où il est monté sur le trottoir pour y faucher un premier groupe de sept personnes, dont la victime Jean Lafrenière qui est décédé de ses blessures, près de la microbrasserie la Captive. Une huitième, Ken Moreau, évite miraculeusement l’impact. M. Moreau fait partie des témoins qui seront entendus.

Gagnon a poursuivi sa route jusqu’à un autre groupe de trois personnes 120 mètres plus loin. Un couple évite de peu l’impact, mais Gérald Charest, avec qui ils discutaient dans les secondes précédentes, n’a aucune chance.
La troisième victime décédée, Simon-Guillaume Bourget, a quant à lui été happé près de 200 mètres plus loin, selon le ministère public.
Steeve Gagnon a reconnu en ouverture du procès qu’il était au volant du Ford F-150 le 13 mars et qu’aucune anomalie mécanique ne peut expliquer la tragédie.
Repassé sur les lieux
Des témoins ont confié aux autorités que Gagnon accélérait avant et pendant chacun des impacts, a ajouté Me Simard dans sa déclaration.
L’assaillant a ensuite fait demi-tour dans l’entrée d’un commerce, selon la théorie de cause de la poursuite, afin de repasser sur les lieux. Selon des gens accourus pour porter secours aux blessés, Steeve Gagnon «regardait la scène et les gens qui étaient au sol».

Il se serait ensuite dirigé vers le poste de la Sûreté du Québec d’Amqui pour se livrer. Quand les agents sur place lui ont demandé pour quelle raison ils devaient l’arrêter, Gagnon leur aurait dit «qu’ils le sauraient bientôt, que les appels allaient rentrer».
Lourdes accusations
Steeve Gagnon fait face à trois chefs d’accusation de meurtre prémédité pour les décès de Jean Lafrenière, Gérald Charest et Simon-Guillaume Bourget. Deux autres chefs de tentative de meurtre multiple à l’aide d’un véhicule à moteur ont aussi été portés.
Il est passible d’une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.
Le procès de l’homme de 40 ans est prévu pour une durée de huit semaines. L’accusé est représenté en défense par Me Hugo Caissy.
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