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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

Assistons-nous à la fin de la mondialisation?

Getty Images via AFP
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Photo portrait de Francis Gosselin

Francis Gosselin

2025-03-05T05:00:00Z
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Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la mondialisation a été l’un des principaux moteurs de la croissance économique dans le monde. Suivant les recommandations des économistes, la plupart des pays de la planète – les États-Unis en tête – se sont engagés à éliminer les barrières tarifaires afin de générer des gains économiques majeurs.

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La théorie est simple: pour les consommateurs, l’élimination des barrières permet d’accéder à une plus grande variété de biens et de services, faisant augmenter la concurrence et baisser les prix. De même, en l’absence de tarifs, nos entreprises ont accès à des marchés plus vastes, sans obstacle, et peuvent produire plus, faisant baisser leurs coûts.

À l’inverse, l’imposition de tarifs fait augmenter les prix et diminuer la rentabilité des entreprises, pour tout le monde.

L’illusion de la production locale

Le libre-échange veut aussi dire qu’on peut aller chercher des travailleurs ailleurs, pour contribuer à produire des biens complexes, comme une voiture par exemple.

Depuis les années 1960, le Pacte de l’auto a permis une forte intégration des chaînes d’approvisionnement entre le Canada et les États-Unis, puis avec le Mexique. Cela a permis aux constructeurs automobiles de devenir plus efficaces, en tirant parti de la spécialisation et des compétences des travailleurs dans chacun des pays.

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Bien que dans l’ensemble, une économie soit avantagée par le libre-échange, les gains ne sont pas répartis également entre tous; certaines usines sont installées hors du pays. Si certains y voient des bienfaits, d’autres s’imaginent que ces emplois pourraient être rapatriés localement.

C’est à cette logique tronquée que Donald Trump adhère: il croit que le recours aux droits de douane permettra de ramener en peu de temps la production manufacturière aux États-Unis. Mais ce que nous avons bâti depuis 1965 prendra au bas mot 10 ans à défaire.

Dans les circonstances, les décisions intempestives de l’homme fort de Washington risquent plutôt de plonger l’industrie dans une grave crise.

Une guerre, ça se joue à deux

En 2018, M. Trump a imposé des tarifs de 25% sur l’acier et de 10% sur l’aluminium, touchant directement le Canada. Résultat? GM a vu ses coûts de production exploser de plus de 1 milliard $ en un an. Pour Ford, la facture a été de 1,6 milliard $. Et, comble de l’ironie, Harley-Davidson a déplacé une partie de sa production en Europe pour éviter les représailles commerciales... exactement l’inverse de ce que le président voulait.

Pendant ce temps, les consommateurs nord-américains ont payé l’addition: le prix des voitures, des électroménagers et de nombreux autres biens a augmenté.

Il n’était donc pas étonnant de voir, ces dernières semaines, les patrons de ces entreprises, dont le PDG de Ford, Jim Farley, s’en prendre directement à Donald Trump. Des milliers d’emplois américains sont à risque.

Pas la fin, mais...

La stratégie isolationniste décidée par Donald Trump ne mettra pas à elle seule un terme à des décennies de libéralisation des marchés. Au pire, elle contribuera à renforcer d’autres alliances, plus régionales.

Ce n’est donc pas la fin, mais une mutation. La mondialisation ne disparaît pas, mais elle devient plus fragmentée et centrée sur des blocs régionaux. Face à un voisin hostile, irrationnel et incohérent, le Canada devra s’ouvrir davantage sur ses partenaires européens et asiatiques.

Ça ne sera pas facile. Mais dans l’ensemble, la réponse concertée de l’ensemble des pays à l’encontre des États-Unis pourrait faire très mal à la première économie mondiale. La facture sera salée pour les consommateurs américains et les entreprises américaines peineront à trouver des débouchés ailleurs.

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