Arrêtons de prendre les travailleurs de la classe moyenne pour des valises


Isabelle Maréchal
Il est faux de dire que la récente baisse d’impôts du premier ministre Carney va permettre aux familles de la classe moyenne qui en arrachent de mieux boucler leurs fins de mois. Les citoyens aisés vont tout autant bénéficier de ce cadeau fiscal. Normal? Pas vraiment. Responsable? Pas pantoute. C’est surtout très fâchant.
Un travailleur qui gagne 40 000$ économisera deux fois moins d’impôts que celui qui gagne 300 000$. Le premier s’en tirera avec un petit 200$ d’économies alors que l’autre aura un beau 400 piasses de plus à dépenser. Quoi? Vous avez bien lu.
La réduction du premier palier d’imposition fédéral qui va passer de 15% à 14% s’applique à tous les contribuables canadiens qui paient de l’impôt. Sur ce point nous sommes tous égaux. Tout travailleur qui gagne jusqu’à 57 375$ y aura droit. Cela crée toutefois une iniquité fiscale. Car le travailleur au revenu moyen se trouve désavantagé par rapport au mieux nanti qui ne demandait pas autant de générosité de l’État. Nous faire croire que ce sont les ménages de la classe moyenne qui en sortiront gagnants, c’est nous prendre pour des valises.
Faire payer les riches
Des cadeaux fiscaux aux plus aisés de la société, c’est le contraire de ce que veulent les Québécois. Face aux déficits de nos gouvernements, ils répondent que les riches devraient contribuer beaucoup plus. Quand ils disent «les riches», ils parlent des «super riches» qui disposent de nombreux moyens fiscaux pour réduire leur revenu imposable. Ceux qui ont un compte en banque aux Bahamas, là où leur cash fructifie à l’ombre du fisc.
Bien des citoyens aimeraient profiter des mêmes allégements. Malheureusement, quand t’as juste un T4, t’es pris pour payer en espérant que ton comptable n’oubliera aucune dépense déductible.
L’écart entre les riches et les autres ne fait que s’agrandir. Ceux qui n’ont pas les moyens de contourner le système le financent. Et ceux qui savent l’exploiter en récoltent les bénéfices.
Et on s’étonne que de plus en plus de gens travaillent au noir ou gonflent le prix des biens et services. Une société inéquitable nourrit l’individualisme. Tout le monde finit par tirer la couverte de son bord.
Justice sociale et fiscale
Les Québécois veulent des politiques justes et des services publics solides. Pas qu’on creuse les déficits à coup de rabais fiscaux qui avantagent ceux qui n’ont jamais dû compter leurs restes de pizza un samedi soir.
Surtout que ces baisses d’impôts hypothèquent notre capacité collective à répondre à nos nombreux défis: vieillissement de la population, coût du logement, insécurité alimentaire, crise climatique. On nous prive de moyens pour faire face à ces difficultés.
La réalité, c’est que le fédéral joue sur les perceptions. Il annonce une baisse d’impôt en grande pompe, mais refuse de mettre sur papier ses propres prévisions budgétaires avant des mois. Un budget, M. Carney, c’est pourtant la base. Tout citoyen qui gère ses finances personnelles vous le dira. Un budget, pis ça presse!