Armes de poing: les conservateurs font de l'obstruction, disent les libéraux


Anne Caroline Desplanques
OTTAWA – Le ministre fédéral de la Sécurité publique accuse les conservateurs de faire de l’obstruction pour retarder le gel de la vente d’armes de poing au pays.
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En vertu d’un projet de loi déposé en Chambre il y a 10 jours, l’achat, la vente, le transfert et l’importation d'armes de poing seraient interdits à l’échelle du pays dès l’automne prochain.
Mais l’étude du projet de loi fait du sur-place en comité parlementaire, déplore le ministre de la Sécurité publique Marco Mendicino.
«Il faut que les conservateurs arrêtent les chicanes, dit-il en entrevue avec Le Journal. Il faut étudier ce projet de loi, en débattre et le passer aussitôt que possible. C’est urgent.»
L’angle mort de la contrebande
«Contrairement à la prétention du gouvernement, C-21 ne revient pas à durcir le ton face à la criminalité et cela ne cible pas les membres de gangs qui tirent dans nos rues», a critiqué lundi le député ontarien Larry Brock à la période des questions.
Les conservateurs reprochent au gouvernement de s’attaquer aux armes légales plutôt qu’à la contrebande. Ils demandent d'améliorer la capacité des agents frontaliers à empêcher l'entrée d'armes illégales au Canada.
Le ministre réplique que son gouvernement investit pour doter les points d’entrée frontaliers de détecteurs à rayons X afin d'intercepter les chargements d’armes illégaux. Il indique aussi travailler de près avec son homologue américain pour faire cesser le trafic d’armes américaines vers le Canada.
Pour lui, le gel s’attaque à un autre problème: empêcher environ 55 000 nouvelles armes de poing d’entrer sur le marché chaque année, au moment même où la violence par arme à feu s’enflamme, à Montréal en particulier.
Dans la dernière année, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a enregistré 144 décharges d’arme à feu, soit une tous les deux jours et demi – deux fois plus que l’année précédente. Au total, 19 personnes ont été tuées par arme à feu en 2021 dans la métropole, contre six pour l’année 2020.
Beaucoup de travail, peu de temps
Mais Kristina Michaud, porte-parole du Bloc Québécois en matière de sécurité publique, déplore que, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne retire «pas une seule [arme de poing] de nos villes». Son parti réclame donc que l'on apporte des changements significatifs au texte.
«Plusieurs mesures constituent des avancées en matière de contrôle des armes à feu. Toutefois, Ottawa devra corriger les nombreuses trouées dans ce projet de loi qui ne rendront pas nos communautés plus sécuritaires à court et moyen terme», a-t-elle déclaré.
Il reste très peu de temps aux partis pour s’entendre avant la levée des travaux parlementaires pour les vacances estivales, qui débuteront le 23 juin.
«Les libéraux ont attendu vers la fin de session pour présenter le projet de loi. Ça démontre que ce n’est pas une priorité pour eux. Tous les projets de loi doivent être étudiés», cingle Axel Rioux, du bureau de la cheffe conservatrice.
«De notre côté, du côté du gouvernement, nous sommes prêts à travailler 24/7», assure le ministre Mendicino, tout en soulignant que le projet de loi est «le produit de consultations extensives» et a d’ores et déjà l’appui des groupes de défense des victimes et de la Ville de Montréal.
Le chef du Bloc, Yves-François Blanchet, a proposé mardi le dépôt d’une motion dans le but d’accélérer les débats parlementaires en les faisant passer de 30 à 10 jours. Son but est d’imposer un gel immédiat de la vente et de l’achat d’armes de poing, afin d'éviter que ceux qui le peuvent ne constituent des stocks en attendant l’entrée en vigueur de la loi à l’automne. L’adoption d’une telle motion nécessiterait néanmoins l’unanimité de la Chambre.