Après «Welcome to Montreal», «ALL IN» en intelligence artificielle

Francis Halin
Cinq ans après le « Good morning and welcome to Montreal » lancé en public pour accueillir en anglais trois entreprises, la métropole dirigée par Valérie Plante est « partenaire majeur » d’un important sommet d’intelligence artificielle baptisé « ALL IN ».
« C’est très décevant. Ça ne donne pas l’image d’une ville ''métropole francophone des Amériques'' », a dénoncé en entrevue au Journal Louise Beaudoin, ex-ministre de la Francophonie.
« Il faut que la première perception soit française pour tous ceux qui arrivent au Québec », a-t-elle martelé à propos de l’événement de deux jours à 1000 $ le billet.
Mercredi et jeudi cette semaine, Montréal sera l’hôte du plus gros sommet d’intelligence artificielle au Canada, baptisé « ALL IN », comme l’expression anglaise parfois utilisée au Poker lorsque l’on mise tout ce que l’on a.

« La première chose que l’on voit, “c’est ALL IN”. On ne progresse pas. On continue comme si c’était normal. Pour moi, ce n’est pas normal », a déploré Louise Beaudoin.
Au cabinet de la mairesse Valérie Plante, on a dit accueillir avec fierté des événements d’envergure mondiale comme celui-ci.
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« Nous encourageons très fortement les promoteurs privés à utiliser le français dans la nomination de leurs événements », a-t-on indiqué.
« Montréal est la métropole francophone d’Amérique et nous encourageons tous les organisateurs à valoriser notre langue commune », a-t-on insisté.

Qu’en pensent l’Université McGill, l’Université de Montréal, le Conseil de l’innovation du Québec, Montréal International ou Ivado ? Ils ont tour à tour refusé de se mouiller comme partenaire, en renvoyant la balle aux organisateurs de l’événement.
Même chose pour la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), qui se fait pourtant l’apôtre de la francisation avec son programme de jumelage linguistique « J’apprends le français ».
La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) n’a pas voulu se prononcer, mais a précisé que son vice-président qui y prendra part fera bel et bien sa présentation en français.
Les organisateurs se défendent
Interrogée par Le Journal, la supergrappe d’intelligence artificielle SCALE AI, qui a reçu plus de 300 M$ de fonds publics ces dernières années, a affirmé qu’elle est consciente du fait français ici et qu’elle allait offrir la traduction simultanée gratuitement à tous.
SCALE AI a dit avoir choisi d’utiliser l’expression « ALL IN » pour montrer que tout l’écosystème de l’IA sera présent à Montréal durant ces deux journées.

« Nous recevons des participants de plus de 17 pays et c’est dans cet état d’esprit que de nombreuses présentations seront faites dans la langue commune des panélistes et celle comprise par la majorité des participants », a lancé son directeur général Julien Billot, qui organise l’événement.
« Notre priorité est d’offrir un contenu à haute valeur ajoutée au bénéfice de tous les participants, qui pourront en profiter dans la langue de leur choix grâce à la traduction simultanée », a-t-il ajouté.
SCALE AI est co-présidée par Hélène Desmarais, conjointe du président du conseil et est cochef de la direction de Power Corporation, Paul Desmarais fils.
Le MILA veille au grain
Et l’Institut québécois d’intelligence artificielle (MILA) ?
Comme coorganisateur, le MILA dit avoir insisté « sur l’importance d’assurer que la documentation, la traduction simultanée, les réponses aux questions et tous les outils soient disponibles en français », selon son porte-parole Marc-Antoine Guérard.
« Les représentants francophones de MILA qui participeront à l’événement s’assureront de la présence du français dans leurs interventions. Il est prioritaire pour MILA d’assurer une présence francophone forte dans un écosystème international majoritairement anglophone », a-t-il poursuivi.
Au cabinet du ministre responsable de la Langue française, Jean-François Roberge, on s’en tient à la Charte de la langue française.
« Selon la Charte de la langue française, des publications de nature commerciale sur un site Web doivent être rédigées en français. Toutefois, lorsqu’elles sont relatives notamment à un congrès ou un colloque destiné uniquement à un public spécialisé ou restreint, elles peuvent être rédigées uniquement dans une autre langue que le français », mentionne-t-on.
« L’affichage public et la publicité commerciale doivent se faire en français. Toutefois, lorsqu’ils sont relatifs notamment à un congrès ou à un colloque destiné uniquement à un public spécialisé ou restreint, ils peuvent être faits, pendant la durée de ces événements, uniquement dans une autre langue que le français », conclut-on.
– Avec la collaboration de Rémi Nadeau
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