Après 51 mois sans rappel, l’ancien du Canadien Gabriel Dumont s’accroche toujours à son rêve


Jessica Lapinski
«Si tu décroches de ton rêve, c’est quoi le but de continuer?» se questionne le très, très tenace Gabriel Dumont, qui est en train de devenir l’un des joueurs ayant disputé le plus de matchs dans la Ligue américaine, lui qui attend un autre rappel dans la LNH depuis plus de 1530 jours.
Matteo et Lucas, ses deux garçons, n’assistent généralement pas à ses rencontres les soirs de semaine.
Celle du 20 décembre n’en était toutefois pas une normale. Cette partie du mercredi face au Rocket de Laval, c’était la 800e de leur papa dans le hockey professionnel.

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Huit cents matchs – 90 dans la LNH, dont 18 avec le Canadien, et 710 dans la Ligue américaine à ce moment –, qui sont la preuve du lien fort qui unit Dumont au hockey.
Car disputer plus de 700 matchs dans la LAH, c’est un fait d’armes, que peu de joueurs ont réussi.
Rarement un rêve de petit gars
Et même Dumont reconnaît en riant que c’est rare qu’on entende un petit gars dire «qu’il veut jouer dans la Ligue américaine». Les propos qu’il tenait, d’emblée dans ce texte, on les sent sans rancœur ni amertume.

Au contraire: entre la petite rondelle noire et lui, c’est plutôt une longue histoire d’amour, née à Dégelis, dans le Bas-Saint-Laurent, là où résident quelque 2000 personnes, et qui perdure qu’importe la patinoire sur laquelle saute l’attaquant de 33 ans.
«En vieillissant, je me rends compte de la chance que j’ai, de faire ce que je fais dans la vie», philosophe d’ailleurs le capitaine du Crunch du Syracuse, le club-école du Lightning.
«Parce que moi, j’avais autant de plaisir à jouer avec mes chums pendant la pandémie que j’en ai à jouer au hockey professionnel.»
Oui, il y a cru
Choix de cinquième tour du Canadien en 2009, Gabriel Dumont aurait pourtant pu baisser les bras au fil des rétrogradations et des blessures.
Car oui, il a cru parfois qu’il finirait par vivre pour de bon ce à quoi rêvent les petits gars qui tripent comme lui sur le hockey et par se tailler une place permanente dans la LNH.

Surtout en 2016-2017, quand il a porté l’uniforme du Lightning pendant 39 matchs. Il a par la suite disputé sept autres parties pour Tampa, la saison suivante, et 23 avec les Sénateurs d’Ottawa.
Il en a également joué trois dans le grand circuit avec le Wild, il y a cinq saisons, en 2019-2020. Puis, plus aucun rappel depuis.
Ce qui forge un caractère
Son histoire, ce n’en est donc pas seulement une d’amour, lui fait-on remarquer. C’en est aussi une de résilience.

Rapidement, Dumont acquiesce, avant de faire rejaillir tout aussi vite sa longévité dans le hockey sur ceux qui l’ont entouré dès ses débuts, que ce soit ses entraîneurs ou ses proches.
«Le fait de venir d’une toute petite place comme ça, ça fait en sorte qu’on ne se laisse pas piler sur les pieds», dit-il.
«Dans le monde du hockey, ce n’est pas facile quand tu ne viens pas d’une grosse ville, ajoute le petit joueur de 5 pi 10 po. Tous les gens que j’ai côtoyés dans ma vie ont eu un impact sur ma carrière, d’une façon ou d’une autre.»
«Manger de la route»
Mais Dumont a aussi une large part de mérite dans cet accomplissement.
Il aurait pu baisser les bras, passer à un autre appel au fil du temps, las de passer autant de temps dans les autobus («C’est vrai que j’en ai mangé, de la route!» lance-t-il d’ailleurs en lâchant un petit rire).
Là encore, toutefois, il refuse de prendre trop de crédit. Ce qui lui permet de demeurer passionné, souligne-t-il, c’est l’environnement dans lequel il évolue.
Celui du Crunch et du Lightning en est un «de classe mondiale», affirme-t-il. Mais ce qui l’allume surtout, c’est le concept d’équipe, le temps qu’il passe avec ses coéquipiers.
«C’est quoi, au fond, la différence entre le petit gars qui jouait pee-wee CC et celui qui joue dans la Ligue américaine aujourd’hui?» s’interroge-t-il.
Et continuer à rêver
Mais malgré tout, comme on l’écrivait dès le départ, Dumont continue de rêver à un rappel du grand club, à ce que les chiffres que l’on voit accolés à sa fiche dans la LNH ne demeurent pas 90 matchs, quatre buts et cinq aides.
«Je crois que si tu n’y penses pas, comme joueur de hockey, c’est que tu n’as plus la passion», pointe-t-il.
«Des fois, je me parle dans ma tête et je me dis: "Voyons, c’est donc ben niaiseux, ce n’est plus ton rôle". Mais ça demeure ton rêve de petit enfant.»
Et en attendant, il y avait Matteo et Lucas à l’aréna, un mercredi soir, tenant à la main une pancarte qui félicitait papa pour 800 matchs de passion et de résilience.
Gabriel Dumont en statistiques
- Après avoir établi un record pour les buts marqués avec le Collège Notre-Dame (Rivière-du-Loup), dans le midget AAA, Gabriel Dumont s'était ensuite illustré avec les Voltigeurs de Drummondville, où il a connu une saison de 51 buts et 127 minutes de punition, aux côtés de Sean Couturier, en 2009-2010.
- Depuis, il a évolué avec les Bulldogs de Hamilton, le Canadien, les IceCaps de Saint-Jean, le Lightning, les Sénateurs, le Wild de l'Iowa, le Wild du Minnesota et le Crunch de Syracuse (trois séjours).
- Il a connu sa meilleure saison dans la Ligue américaine en 2021-2022, avec 62 points (dont 30 buts).
- L'an dernier, il a participé au Match des étoiles de la Ligue américaine.