20 ans de carrière pour Antoine Bertrand: «Je suis le gars le plus chanceux au monde»


Maxime Demers
« Je suis le gars le plus chanceux au monde », lance sans hésiter Antoine Bertrand en contemplant le chemin parcouru depuis qu’il est sorti de l’école de théâtre du cégep de Saint-Hyacinthe, en 2002. À quelques jours de la sortie de la comédie dramatique Au revoir le bonheur, qui marque son retour au grand écran, l’acteur de 44 ans fait le point sur les 20 premières années de sa fructueuse carrière au cinéma et à la télévision.
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« Ça fait cliché à dire, mais j’ai l’impression que c’était hier que je sortais du cégep », confie Antoine Bertrand dans une longue entrevue accordée au Journal la semaine dernière.
Vingt ans, déjà... Lui-même semble surpris quand on lui fait remarquer qu’il a déjà deux décennies de carrière derrière la cravate. Il faut dire que tout est allé très vite pour le grand gaillard qui n’a pas attendu la fin de ses études pour décrocher son premier rôle au petit écran, dans le téléroman Virginie (de 2002 à 2006).
« Les dix premières années se sont écoulées à la vitesse de l’éclair, observe-t-il. Parce qu’on dirait que plus tu travailles, moins tu vois le temps passer. Au début, je faisais beaucoup de théâtre et de télé en même temps. Il y a des étés où je faisais des semaines de 100 heures, dont un 60 en ligne sans dormir ! Quand je jouais dans la pièce Appelez-moi Stéphane [en 2007], je devais répéter assis au théâtre parce que j’avais les pieds en sang à cause des tournages. J’ai beaucoup goalé pendant les premières années, mais ça m’a permis de lever le pied par la suite. »
C’est évidemment son personnage de Junior Bougon qui a donné un coup d’accélérateur à sa carrière en le propulsant au statut de vedette du petit écran, à seulement 25 ans. Diffusée de 2004 à 2006 sur les ondes de Radio-Canada, la série irrévérencieuse écrite par François Avard et Jean-François Mercier a connu un succès fulgurant, attirant en moyenne 1,85 million de téléspectateurs chaque semaine.
« Je dis souvent que Les Bougon m’a sauvé cinq années de pubs et de petits rôles pour essayer de me faire un nom, souligne Antoine Bertrand. Avec Les Bougon, on est tous devenus instantanément des noms. »
Bon vivant

Pendant notre entretien, dans un restaurant des Îles-de-la-Madeleine, au lendemain de la première projection publique du film Au revoir le bonheur, Antoine Bertrand se fera aborder à quelques reprises par des gens du coin voulant se faire prendre en photo avec lui. Chaque fois, l’acteur leur répondra avec humour et complicité, comme s’il les connaissait depuis des années.
Car il n’y a pas qu’Antoine Bertrand l’acteur qui a séduit le public au fil des années. Les gens ont aussi été charmés par la personnalité attachante de ce bon vivant qui n’a pas la langue dans sa poche.
« Je suis comme La Poune ! » s’exclame-t-il en riant, faisant référence au célèbre slogan « j’aime mon public et mon public m’aime ».
« Je suis un jaseux et j’aime le monde. C’est dans ma nature. Si j’étais plombier, ça serait la même chose. Souvent, des gens m’abordent dans la rue pour me parler. On finit par jaser pendant plusieurs minutes, et à la fin, ce sont eux qui mettent fin à la conversation en disant : désolé, Antoine, mais nous, il faut qu’on y aille... »
Pour la comédie dramatique Au revoir le bonheur, qui prend l’affiche le 17 décembre, Antoine Bertrand a renoué avec le réalisateur Ken Scott qui l’avait déjà dirigé dans Starbuck il y a une dizaine d’années. Le film met en scène quatre frères – campés par Bertrand, Louis Morissette, Patrice Robitaille et François Arnaud – qui se réunissent dans leur grande maison familiale, aux Îles-de-la-Madeleine, pour rendre un dernier hommage à leur père. Antoine Bertrand incarne le personnage de Thomas, le nostalgique de la fratrie.
« C’est un rôle qui me va comme un gant parce que je suis le roi de la nostalgie, admet l’acteur. Thomas n’est pas capable de faire son deuil. Il est habité par une tristesse infinie, qui est un des sentiments que j’aime le mieux jouer. Il y a aussi une mélancolie chez lui. Ça me permettait beaucoup d’explorer le tragicomique, un style de jeu que j’adore. »
Vedette de deux films français
Après s’être fait discret au cinéma depuis la sortie de la comédie Menteur, à l’été 2019, Antoine Bertrand sera très présent au grand écran au cours des prochains mois. En plus d’Au revoir le bonheur, l’interprète de Louis Cyr tient la vedette de deux films français qui prendront l’affiche dans l’Hexagone en mars : Trois fois rien et J’adore ce que vous faites.
« Quand je regarde le chemin parcouru depuis 20 ans, je réalise à quel point j’ai été chanceux, dit-il avec philosophie. J’ai eu de belles opportunités. Je suis choyé et je suis conscient que c’est plus facile pour moi que pour d’autres, parce je n’ai pas nécessairement à me battre pour obtenir les rôles. Mais, en même temps, j’essaie toujours de mériter ma place et de ne pas être blasé. Parce qu’il n’y a rien de pire dans la vie que quelqu’un qui s’est fait donner un cadeau et qui ne l’apprécie pas. »
► Au revoir le bonheur prend l’affiche le 17 décembre.
Cinq rôles marquants
Junior dans Les Bougon (2004-2006)

« C’est sûr que le personnage de Junior Bougon a été déterminant dans ma vie et ma carrière. J’avais 25 ou 26 ans, et on me demandait de jouer un tannant. Jouer Les Bougon, c’était comme jouer des superhéros. Et l’action passait souvent par Junior parce qu’il était le soldat de la famille qui allait toujours au front. Le fait de pouvoir côtoyer Rémy Girard quotidiennement sur un plateau de tournage m’a beaucoup aidé à apprendre à faire de la télévision. »
L’avocat dans Starbuck (2011)

« Ce n’était pas le rôle principal du film, mais ç’a quand même eu une grande importance pour moi, parce que ç’a été un peu ma carte de visite en France. Les deux premiers réalisateurs qui m’ont engagé là-bas l’ont fait parce qu’ils m’avaient vu dans Starbuck. Ç’a aussi été mon premier bon rôle au cinéma. J’avais joué un petit rôle dans Ce qu’il faut pour vivre, mais avec Starbuck, c’était la première fois qu’on me faisait confiance pour un rôle qui avait plus de matière au cinéma. »
Louis Cyr (2013)

« Tout le monde le sait : ce personnage m’a habité pendant plus de 12 ans. J’ai auditionné pour le rôle une dizaine d’années avant le début du tournage et je me suis entraîné pendant des mois avant de tourner le film. Mais j’ai toujours été motivé parce que j’attendais ce défi depuis tellement longtemps. C’était extrêmement motivant de pouvoir jouer un héros comme ça. »
Le curé Labelle dans Les pays d’en haut (2016-2019)

« Comme Louis Cyr, c’est un héros qui était le fun à jouer. Ce qui est bien avec les personnages historiques, c’est que tu peux te documenter avant de les jouer. J’ai lu les deux biographies du curé Labelle, et ça m’a beaucoup aidé pour le rôle. Le moment où on a tourné la mort du curé reste encore une de mes plus belles expé-riences de tournage à vie. Il y a eu des moments où on devait arrêter de tourner parce que tout le monde braillait. C’était très émouvant. Je suis chanceux d’avoir joué ça. »
Brindille dans Trois fois rien (2022)

« Cette comédie de la réalisatrice française Nadège Loiseau n’a pas encore pris l’affiche, mais je me permets de l’inclure parce que j’en suis très fier. C’est un film qu’on a tourné à Paris en décembre 2019 et qui met en scène un trio d’itinérants qui gagne un bon montant d’argent à la loto. Je joue le rôle de Brindille, un des trois itinérants qui veut se sortir de la rue. C’est une comédie sociale qui traite de sujets graves et sérieux. C’était un beau terrain de jeu de jouer un gars comme ça, qui a déjà eu toute sa tête, mais qui en même temps a sept ans de rue dans le corps. »