Annulation de la taxe sur les GAFAM: le Canada se retrouve en position de faiblesse
Qu’est-ce que la taxe sur les services numériques et pourquoi a-t-elle été brusquement abolie?


Sylvain Larocque
Le Canada se retrouve en position de faiblesse après la décision surprise du gouvernement Carney d’abolir la taxe sur les services numériques (TSN) mise en place par Justin Trudeau, estime un expert. Nous faisons le point sur ce dossier brûlant.
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Pourquoi Ottawa a-t-il annulé cette taxe après l’avoir défendue bec et ongles pendant des années?
Le président américain Donald Trump a pris de court le gouvernement Carney en affirmant, vendredi, qu’il mettait fin aux négociations commerciales avec le Canada. Évoquant le «contexte global» et les «travailleurs canadiens», le premier ministre canadien a réagi dimanche soir en annonçant l’annulation de la TSN. Le lendemain, la Maison-Blanche a accepté de reprendre les pourparlers avec Ottawa.
«Ça enlève toutes les cartes maîtresses dans le jeu de M. Carney, parce que quand tu réagis de façon aussi rapide, ce que tu démontres à l’adversaire, c’est qu’il peut continuer à te frapper», déplore Alain Saulnier, professeur honoraire à l’Université de Montréal.

Qu’est-ce que cette taxe?
Adoptée l’an dernier, la loi sur la TSN prévoit une taxe fédérale de 3% sur certains revenus perçus au Canada par les géants du web, dont Google, Meta, Microsoft, Amazon et Netflix. La taxe vise à compenser le fait que ces multinationales paient très peu d’impôts et de taxes au Canada. Elle est inspirée de taxes semblables adoptées ces dernières années par plusieurs pays européens, dont la France.
Combien devait-elle rapporter à Ottawa?
En 2023, le directeur parlementaire du budget calculait qu’Ottawa allait toucher plus de 7,2 milliards $ en cinq ans. Le premier versement devait être effectué lundi. Il était rétroactif au 1er janvier 2022.
Mark Carney aurait-il pu agir autrement?
Michael Geist, spécialiste du droit de l’internet à l’Université d’Ottawa, croit que oui.
«Au lieu de reporter l’entrée en vigueur» de la TSN, «le gouvernement est allé de l’avant, ce qui a mené à une réponse entièrement prévisible» de l’administration Trump, a-t-il écrit sur son blogue. L’économiste et sénateur Clément Gignac n’est pas d’accord.
«Compte tenu de l’ampleur des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis, il me semble que [M. Carney] n’avait d’autre choix que d’enlever cette taxe peu judicieuse», a rétorqué sur LinkedIn Clément Gignac.

Quelle devrait être la prochaine étape pour les élus canadiens?
«La souveraineté numérique, c’est probablement, de nos jours, la souveraineté la plus importante, insiste M. Saulnier. [...] Je pense que tous les gouvernements devraient revoir leurs contrats avec les géants du web pour l’entreposage de nos données et y mettre fin le plus rapidement possible.»