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Culture

Annie-Soleil Proteau: confidences sur son passé près du milieu criminel

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Michèle Lemieux

2023-10-10T11:00:00Z
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Annie-Soleil Proteau nous présente une nouvelle série choc, que Félix Séguin et elle animent et coproduisent. Famille de criminel se penche sur l’histoire de conjointes, d’enfants et de parents de criminels notoires, froidement tués ou récemment disparus. À travers ses rencontres, l’animatrice nous aide à saisir l’impact qu’une personne criminelle peut avoir sur toute sa famille. Ce projet est aussi très personnel pour celle qui, tout au long de la série, se confie sur une période de sa vie où elle a côtoyé de près le milieu criminel.

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Annie-Soleil, comment décris-tu Famille de criminel?

C’est une série qui raconte le parcours de six criminels connus, morts violemment ou disparus. On plonge dans leurs histoires avec un regard unique, jamais présenté: celui de leurs familles. L’assassinat d’un criminel, ce n’est pas un fait divers pour leurs femmes, leurs enfants, leurs parents... L’impact sur eux est permanent. Je rencontre donc les familles, qui souvent cherchent des réponses que personne jusqu’ici n’avait pu ou voulu leur donner... De son côté, mon ami Félix Séguin raconte le parcours de ces criminels, avec ses connaissances pointues du crime organisé. Grâce à des sources qui ont vécu ces affaires de l’intérieur, il fait le portrait de ce qui a conduit ces hommes vers leur fin violente. Félix a travaillé fort dans ses recherches pour amener de nouvelles informations entourant les meurtres des criminels présentés. 

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Photo : Bruno Petrozza
Photo : Bruno Petrozza

Dans chacun des épisodes, tu dévoiles un pan de ta vie dont tu n’avais jamais parlé publiquement. Pour la première fois, tu partages ton lien avec le crime organisé... Pourquoi as-tu voulu le faire maintenant?

Ce n’est pas facile pour moi d’en parler... mais je ne veux pas cacher cette partie de ma vie, qui a contribué à forger ce que je suis. Plusieurs personnes de ma famille font partie de la haute criminalité, et même quand j’étais petite, j’ai toujours eu une fascination pour ce monde. Tout ce que je voyais à ce moment-là, c’était la liberté que ça semblait apporter, je voyais juste le côté exaltant... Je ne voyais pas l’ampleur de la souffrance. Ma mère a tout fait pour me tenir loin, mais malgré cela, très jeune, mes amis et mon chum étaient du monde criminel. Pour moi c’était normal, je n’y voyais pas de mal, car j’avais toujours connu ça. J’avais des grands trous dans le cœur en grandissant, et un immense besoin d’amour. C’était un feu de forêt que j’avais en dedans, et avec ces personnes, tout se changeait en fête foraine. Puis, un jour, j’ai réalisé que j’étais en train de m’enterrer vivante, et j’ai fait le choix de quitter cette vie. Ç’a été dur pour moi, mais il le fallait, et je suis reconnaissante d’avoir pu en sortir. J’ai choisi d’en parler aujourd’hui en me disant que si ça peut aider une fille comme moi, ou un jeune, ou quelqu’un d’autre à éviter de prendre le chemin de la criminalité, ou à se donner l’élan pour en sortir, eh bien ç’aura servi à quelque chose. 

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En dévoilant tout cela, as-tu des craintes?

Ça vient avec une part de risque de dévoiler tout ça à propos de moi. Je me demande s’il y a des gens du public qui pourraient arrêter de m’aimer... Ça me ferait beaucoup de peine, mais c’est un risque que j’assume, parce que je le fais vraiment avec des intentions qui partent du plus profond de mon cœur. J’ai vu plusieurs de mes amis de l’époque mourir tragiquement dernièrement, et ça me fait mal de voir la douleur que ça crée autour d’eux. Avec Famille de criminel, c’était clair pour moi que je ne serais pas là ni pour dénoncer ni pour incriminer, mais pour mettre en lumière les familles et les souffrances découlant des choix de leur proche. Je ressens le besoin de faire des projets qui ont une portée sociale, comme je l’ai fait avec mon documentaire La dernière maison, sur les aînés et le manque de soins à domicile. J’espère que la résonance de Famille de criminel sera aussi positive. L’amour du public est ma plus belle paye, mais je préfère prendre le risque et aider quelqu’un qui souffre de la criminalité que de ne rien faire.     

Comment est venue l’idée de plonger dans un projet aussi audacieux?

Tout part d’une phrase qui a bouleversé Félix Séguin. Un jour, un criminel haut gradé, qui était l’une de ses sources, a été abattu. Peu de temps après son meurtre, la femme de cet homme a appelé Félix en lui disant qu’il était «la seule personne normale» à qui son mari parlait. Elle voulait savoir ce que son mari lui confiait, comment il se sentait, puisqu’il ne pouvait rien lui raconter à elle... Ces propos sont lourds de sens. Félix y réfléchissait sans cesse, en pensant aux impacts de la criminalité sur leurs proches. Puisqu’il connaissait mon histoire, il m’en a parlé, et c’est comme ça qu’on a créé ensemble Famille de criminel.

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Vous vous complétez bien.

On était déjà des amis, et notre force, c’est qu’on s’apporte beaucoup: Félix a l’expertise du milieu, et moi... je l’ai eu dans le sang. Nous partons de points de vue très différents sur le crime organisé, et pourtant on se rejoint toujours sur le terrain de l’un ou de l’autre: nos rôles ne sont pas constamment tranchés. Par exemple, lors des tournages, je n’en revenais pas d’entendre Félix, un journaliste aguerri, s’ouvrirautantetêtreémudevant toute cette douleur. Il a lui-même été étonné de voir à quel point la série avait fait évoluer ses perceptions. 

Les proches de ces criminels de haut niveau se livrent avec sincérité. Pourquoi ont-ils accepté de se confier à toi?

Ils savent ce que j’ai vécu. On a une compréhension mutuelle, alors ils se sentent à l’aise de me faire des confidences étonnantes. D’habitude, les familles ne souhaitent pas parler, en particulier lorsqu’il s’agit d’événements récents, et je les comprends. On ne les entend jamais et on oublie que, souvent, ces gens-là sont eux aussi des prisonniers de cette vie. Le danger, le sang, les balles, la violence, la prison, le jugement des autres... Eux aussi ils vivent avec, et dans plusieurs cas, ils n’ont absolument pas choisi ça. Ils sont pris avec la criminalité de leur proche, ou ils sont carrément nés dedans. Alors d’avoir accès aux familles, à leurs témoignages, c’est extrêmement précieux.

Photo : Valerie Blum
Photo : Valerie Blum

On sent beaucoup d’écoute et d’empathie de ta part pour eux.

Ça fait longtemps que je suis sortie de cette vie, mais les marques que ça laisse, elles sont pour la vie, je crois. Félix dit que si je n’avais pas vécu ce que j’ai vécu, Famille de criminel ne pourrait pas exister. Il dit aussi souvent, et ce n’est pas le cas de tous, que ces personnes ne l’aiment pas particulièrement car, comme journaliste, il dépeint ce qui se passe dans le milieu criminel, et ce ne sont jamais des bonnes nouvelles. Dans la série, on a eu un grand souci de ne pas glorifier le milieu. Il reste que derrière les crimes, il y a des pères, des maris, des fils, des frères... Et c’est pour ça que les familles ont si mal. Plusieurs ont accepté de participer pour aider elles aussi, en témoignant du fait qu’une vie de crimes se termine très rarement bien...

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Famille de criminel est à la fois un «true crime» où on découvre de nouveaux éléments d’enquête, et c’est aussi des rencontres humaines très touchantes. Comment avez-vous trouvé un équilibre?

C’est fou, parce que même si je connais par cœur chacune des histoires et que j’ai été hyper impliquée à toutes les étapes delaproduction,chaquefois que je regarde un de nos épisodes, je suis encore captivée. Chaque témoignage me renverse... D’ailleurs tous ceux qui ont vu la série jusqu’ici nous disent la même chose: ils ont été bouleversés, ils ont pleuré, et ils ont ri aussi parfois tant c’est rempli d’inattendu et de rebondissements insensés. Et tous ont suivi les histoires comme un thriller, à se demander comment ça se terminerait. La réalisatrice Vanessa Cournoyer et le scénariste Michel Johnson sont des as pour bien raconter les histoires et nous y accrocher complètement. 

Avant d’amorcer ce projet, en as-tu discuté avec tes proches?

Oui. Au début, ma mère était inquiète. Elle se demandait ce que j’allais dire, et si c’était dangereux pour moi de retourner vers ce milieu, même si c’était d’une façon totalement différente. Ma mère avait été si soulagée quand j’ai coupé certains ponts... Après avoir vu quelques épisodes, ça l’a rassurée. Elle a compris pourquoi je le faisais, et que je ne mettais personne en danger.

Ton conjoint, Pascal Bérubé, est député de Matane-Matapédia à l’Assemblée nationale du Québec. En as-tu aussi parlé avec lui?

Quand j’ai rencontré Pascal, je n’ai jamais caché cette partie de ma vie. Il a toujours su d’où je venais, mais il n’a eu aucun intérêt à connaître les détails de mon passé. Même s’il aime les séries de gangsters et que son film préféré c’est Scarface de Scorsese (rires), dans sa vie per- sonnelle, c’est un monde qu’il n’a jamais côtoyé.

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Est-ce que ta démarche pourrait avoir des répercussions sur Pascal, à cause de ses fonctions?

Non. Pascal a vu les épisodes et il ne voit pas d’enjeu. Il m’a même dit que c’est une série qu’il regarderait même si ce n’était pas moi qui l’avais faite tellement il a adoré chaque épisode. Le jugement des autres est parfois très pesant sur les familles, et c’est important pour moi qu’on comprenne qu’elles ne sont pas coupables par association, alors c’est la même chose pour Pascal, évidemment, qui n’a rien à voir dans tout ça. 

Donne-nous des exemples de criminels dont vous parlez.

On raconte l’histoire de Gaétan Sévigny, qui était lié aux motards. Sa conjointe, Sabrina, est déchirée par son meurtre, mais aussi par le fait que sa fille, adolescente, a eu le malheur d’assister à sa mort. Je rencontre aussi les enfants de Jean-Raymond Claude, un membre de gang de rue très haut placé, porté disparu depuis huit ans. C’est bouleversant de voir le courage de ses enfants, MikeZup et Mélodie-Jade. Une autre histoire qui m’a chamboulée est celle du jeune trafiquant William Robinson, qui travaillait avec le clan Scoppa. Sa mère, Johanne, est infiniment touchante quand elle raconte comment il a été pris au piège, et que même si elle supplie la police de lui donner des réponses, on ne lui en donne pas. Tout ce qu’elle veut, c’est d’arrêter de se torturer avec des questionnements... Félix se démène pour tenter de lui donner ces réponses. Notre dernier épisode porte sur le jeune et influent trafiquant Christian «Die-On» Dionne, qui nous mène aux dangereux cartels de la Colombie. Son histoire est hallucinante, je ne m’en remets pas encore. Dans cet épisode, il y a un immense punch... et de la lumière au bout de l’enfer. 

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Comment Félix et toi avez-vous choisi les histoires de criminels abordées dans la série?

On tenait à parler des différents milieux criminels qui existent au Québec, que ce soit la mafia, les motards, les gangs de rue... Et il fallait que les familles acceptent de témoigner, ce qui était loin d’être gagné. Trois familles ont accepté parce que ce sont des amis à moi, et les trois autres sont arrivées grâce à des contacts de Félix. Dans tous les cas, on tenait à tisser des relations sincères. J’ai passé beaucoup de temps avec chacun d’eux, c’était important qu’ils sentent que je ne les jugeais pas.

Photo : Bruno Petrozza / TVA Pu
Photo : Bruno Petrozza / TVA Pu

Est-ce que les familles ont vu les épisodes?

Oui. On a organisé des visionnements privés. Le producteur Martin Henri de chez ROMEO, la réalisatrice et moi, on a regardé chacun des épisodes avec les membres de la famille qui témoignent. On a été émus par leurs commentaires, puisqu’ils nous ont tous dit qu’ils étaient renversés de voir la qualité de la série. Mais bien au-delà de ça, de les entendre nous dire que ça leur avait fait du bien d’enfin pouvoir parler, que ç’avait même été thérapeutique pour plusieurs, pour nous, c’est un grand sentiment d’accomplissement.

Voyez Famille de criminel sur Vrai. Annie-Soleil est chroniqueuse à Salut Bonjour les vendredis et le week-end, à TVA.

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