Annie-Soleil Proteau admet qu’elle inquiète parfois son chum
Sabin Desmeules
Depuis qu’elle a révélé son passé en lien avec des criminels, sa carrière a pris une autre tangente. Alors qu’elle est désormais amenée à rencontrer des hors-la-loi pour le petit écran, Annie-Soleil Proteau a l’impression de faire oeuvre utile.
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Elle collabore au talk-show Le parloir, sur le crime québécois, en nous offrant des rencontres avec des hors-la-loi. Annie- Soleil est également coproductrice de cette émission coanimée par Félix Séguin et Victoria Charlton, tout comme elle l’était pour sa série documentaire Famille de criminel. Comment ce nouveau rôle est-il arrivé dans sa vie? «C’est un monde tellement particulier, le milieu criminel, que ça prend les codes, les clés pour être capable d’en parler sans se mettre en danger, ni soi-même ni personne... Étant donné que c’est un monde d’où je viens, ces codes-là, je les connais. Et d’être productrice avec Félix Séguin et nos deux associés, Martin Henri et France-Aimy Tremblay, ça fait en sorte que Félix et moi on a les coudées franches pour tout le contenu.»
Quel est son principal but comme productrice? «Je ne veux pas que la vie de personne soit à risque, jamais, parce qu’on parle du milieu criminel! Et c’est très important que ce soit clair que je ne suis pas là ni pour dénoncer qui que ce soit ni pour incriminer qui que ce soit! C’est très important, aussi, de ne jamais glorifier ce mondelà qui, oui, est captivant et fascinant, mais qui vient avec énormément de souffrances. Et ça, je le sais parce que je l’ai vécu et parce que ceux qu’on présente dans Famille de criminel et mes invités au Parloir, c’est ça aussi.»
Juste parce que c’est elle
Elle a grandi dans une famille dont certains membres étaient liés à la haute criminalité. Et adolescente, Annie-Soleil a fréquenté un trafiquant de drogue. Elle aurait pu, elle aussi, choisir le côté sombre. «Un jour, j’ai décidé que c’était assez et que je devais faire tout ce que je pouvais pour en sortir. J’ai été chanceuse, j’ai pu le faire. Ç’a été déchirant, parce qu’une personne criminalisée n’est pas juste un criminel, c’est un amoureux, un père... et il y avait de ces gens-là que j’aimais, c’était mon monde. Et quand tu coupes les ponts, il faut que tu coupes les ponts. Ça n’a pas été facile! J’ai eu de la peine. Mais aujourd’hui, j’en suis heureuse. Est-ce que je l’ai aimée, cette vie-là? La réponse est oui. Ça vient avec énormément de souffrance et d’angoisse, mais il y a des aspects de cette vie que j’ai aimés, le côté grisant, l’adrénaline, l’impression que les gens avec qui tu es au restaurant sont respectés – c’est de la crainte, mais tu le réalises plus tard... Mes démons sont toujours présents par-dessus ma petite épaule, mais je sais que jamais je ne vais retourner vers cette vie-là.»
Oui, son passé l’aide à accéder aux gens qu’elle rencontre au Parloir. «Le milieu criminel, au Québec, il est vaste et, en même temps, tout est connecté. En règle générale, les gens savent qui est qui et qui vient d’où. Beaucoup de gens criminalisés ont vu Famille de criminel, alors ils connaissent ma démarche.» Cet accès est un privilège non transférable. Elle n’aurait pas pu, à titre de productrice de l’émission, décider de confier les rencontres avec les criminels à quelqu’un d’autre. «Ça n’aurait pas marché. À part une personne, ils me l’ont tous dit: ils acceptent parce que c’est moi, parce qu’ils connaissent mon histoire, parce qu’ils savent que je n’arrive pas avec un jugement ni avec une volonté d’incriminer, même si je ne les glorifie pas non plus. Ils savent c’est quoi ma démarche, ils comprennent et ils ont du respect pour ce que je fais.» Parmi les criminels rencontrés, il y a notamment un trafiquant de cocaïne, un ex-détenu qui a passé une partie de sa vie derrière les barreaux, un homme qui s’est fait arrêter lors d’une grosse opération policière...
Elle inquiète parfois son chum
Comme elle sort avec l’homme politique Pascal Bérubé, député péquiste de Matane-Matapédia, Annie-Soleil a-t-elle hésité à rendre public son passé en lien avec des personnes criminalisées? «Pas tellement, parce que ç’a toujours été très clair que lui, il a choisi la vie politique et le service public, mais pas moi, répond-elle. Quand j’ai fait La dernière maison, sur le sort des aînés, ça venait avec un message social et politique. Et à mon passage à Tout le monde en parle, il était inquiet parce qu’il sait que je n’ai pas de filtre; je dis les choses comme je les pense au moment où je les pense. Ç’aurait pu être explosif pour lui, admet-elle. Mais il me respecte et il ne se mêle pas de mes choses.» Pour ce qui est des rencontres avec des criminels... «Je sais qu’il y a des fois où il s’inquiète pour moi.»
Annie-Soleil Proteau est collaboratrice et productrice du talk-show criminel Le parloir, diffusé les jeudis à 21 h, à TÉMOIN.