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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

André Chagnon, le bel amoureux

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Photo portrait de Guy Fournier

Guy Fournier

2022-10-11T09:00:00Z
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Je ne verrai plus cet homme longiligne au sourire timide approcher de moi pour me serrer la main.

Je ne le verrai plus s’esclaffer si je lui dis qu’il choisit des femmes trop jeunes lorsqu’il se fait accompagner par sa fille ou une petite fille. Pendant des années, c’est avec Lucie à son bras que j’ai toujours rencontré André. Ils étaient inséparables. Je les rencontrais chez Duceppe ou au Rideau Vert, parfois dans un bal caritatif ou une réception, au hasard d’un concert ou dans les studios de télévision. 

Lucie adorait les artistes. C’était une vraie groupie. Elle ne se lassait pas de voir en chair et en os les vedettes qu’elle suivait assidûment au canal 10. Homme plutôt réservé, André fut bien obligé de fréquenter avec elle les coulisses de Télé-Métropole, dont il avait fait l’acquisition en 1986. 

J’ai connu André quand il en était le grand patron et que je venais de tourner le dos à TQS, qui devait concurrencer Télé-Métropole. J’avais écrit Peau de banane, une série que j’avais sortie de Radio-Canada à cause d’un différend avec la réalisatrice Raymonde Boucher. 

Elle ne voulait pas entendre parler de Louise DesChâtelets dans le rôle-titre de Simone Saint-Laurent. 

C’est Louise qui me suggéra d’inviter les Chagnon à la campagne. À ma grande surprise, ils acceptèrent, eux qui quittaient rarement Vaudreuil par les beaux dimanches d’été. Lucie en profita pour tout apprendre sur « Madame Saint-Laurent ». André, lui, me parla de télévision, mais surtout d’un projet bien spécial qu’il entretenait pour le Saguenay.

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UN PROJET AVANT-GARDISTE

Un peu plus tard, ma belle-fille Alice Savage, une ingénieure en électricité, fut « prêtée » par Hydro-Québec à Vidéotron afin d’installer à Chicoutimi et à Jonquière un système nommé UBI. UBI deviendrait la première autoroute de l’information du Québec. Chaque terminal donnerait accès à une foule de services : le paiement des factures, la messagerie électronique, les achats, la vidéo, les films sur demande, les jeux interactifs, etc. 

Ce merveilleux service serait gratuit ! Alice n’en revenait pas que je connaisse personnellement « Monsieur » Chagnon. 

Pour elle, c’était un visionnaire, un génie comme Graham Bell. Hélas ! le visionnaire fut pris de vitesse. Au tournant de l’an 2000, UBI et Videoway, ses deux créatures, devinrent les victimes collatérales de l’internet.

En 1996 et 1997, après quelques tentatives de transaction quasi rocambolesques, Videotron acquit CF Cable qui contrôlait les chaînes CFCF et TQS. TQS et Télé-Métropole se retrouvèrent momentanément sous la houlette d’un même propriétaire, d’abord la famille Pouliot, puis les Chagnon de Vidéotron. 

Le CRTC refusa pareil « monopole » et TQS fut cédée à un consortium réunissant Québecor et Cogeco, Télé-Métropole demeurant dans le giron de Vidéotron. À son grand soulagement, Lucie pourrait continuer de fréquenter ses vedettes, dont moi, qui avais une nouvelle femme.

LUCIE PERD SES VEDETTES

En juillet 2001, Québecor acquiert Télé-Métropole. Mais Québecor doit vendre sa part dans TQS. La chaîne est adjugée à Bell et à Cogeco. La chère Lucie perd définitivement son laissez-passer pour les vedettes du petit écran, mais les enfants les plus démunis du Québec gagnent une marraine et un parrain qui enrichissent de
1 milliard 400 millions $ la fondation Lucie et André Chagnon qu’ils avaient créée l’année précédente. 

Souvent, lors d’un événement mondain, André devait quitter momentanément Lucie, dont la mémoire s’envolait de plus en plus. Maryse ou moi lui tenions alors compagnie. Lucie est morte en 2014. 

André garda ses cendres chez lui, continuant de lui faire chaque soir le compte-rendu de sa journée. 

Comme fait chaque jeune amoureux ! 

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