Ancien influenceur devenu espoir de la LNH, Philippe Veilleux en a marre d’être négligé


Nicolas Cloutier
Philippe Veilleux n’est pas Alexis Lafrenière ou Pierre-Luc Dubois. Il n’est pas pressenti comme la prochaine grande vedette de la Belle Province. Ce que Veilleux est, par contre, c’est possiblement l’espoir québécois de la dernière décennie qui détonne le plus.
Ancien influenceur et sensation virale à 13 ans, Veilleux est aujourd’hui devenu un légitime espoir de la Ligue nationale de hockey... qui ne parle pas comme un joueur de hockey. Qui mange du hockey, mais n’entre pas dans le moule. Qui fait figure de mouton noir dans ce milieu très traditionnel.
Mais attention, le joueur de hockey mérite tout autant d’attention que la personne dégourdie, passionnée et articulée qui se cache derrière le casque et les épaulettes.
Ce qui sépare Philippe Veilleux de Caleb Desnoyers et Justin Carbonneau, deux des plus beaux espoirs québécois de l’histoire récente, c’est seulement un et trois points. La différence, c’est que le premier figure au 172e rang du classement nord-américain de la Centrale et n’est pas pressenti du tout pour être repêché au premier tour cet été.
Une réalité qui dérange le principal intéressé, auteur de 70 points, dont 33 buts, en 51 matchs cette saison avec les Foreurs de Val-d’Or dans la Ligue de hockey junior Maritimes Québec.
«Moi, je sens que j’appartiens à leur groupe, plaide Veilleux au téléphone. C’est drôle, parce que le monde ne réalise pas que je suis au même niveau que ces gars-là. Des fois, ça me fait capoter un peu.»
Dans un monde où les hockeyeurs sont aseptisés et conditionnés à devenir des robots devant les caméras et à nous faire avaler qu’ils ne se préoccupent pas de leur rang au repêchage, Veilleux parle avec ses tripes. On ose même qualifier son attitude de rafraîchissante.
«Je ne suis même pas dans la discussion pour être en première ronde. Je pense que si je continue de jouer de cette façon, je n’aurai pas le choix d’être considéré dans ces eaux-là», lance-t-il, fort d’une séquence de 30 points en 13 matchs avec les Foreurs.
Pourquoi Veilleux est-il négligé? Cinq pieds, neuf pouces.
«Il y a des gars qui sont classés au premier tour qui ont littéralement un ou deux pouces de plus que moi, mentionne le petit attaquant, dubitatif. Les gars ont moins de stats et ça se joue à un ou deux pouces. C’est frustrant, parce que ça se joue sur des détails. Rendu là, le gars est bon... le gars est bon!»

Mis au parfum des frustrations de son attaquant vedette, l’entraîneur-chef des Foreurs, Maxime Desruisseaux, rappelle qu’on ne réinventera pas le hockey demain matin.
«Ce n’est pas moi et ce n’est pas Philippe Veilleux qui va changer ça, souligne l’homme de hockey, pragmatique, au bout du fil. C’est de valeur, mais il faut qu’il s’inspire des Martin St-Louis et Cole Caufield. Un attaquant qui n’a pas six pieds doit avoir des atouts au-dessus de la moyenne.»
À ce chapitre, disons que ça regarde bien pour Veilleux.
«Philippe est chanceux, il les a, ces atouts, poursuit Desruisseaux. Après, il n’y a pas de recette magique. Il doit se démarquer des autres joueurs en bas de six pieds avec de l’intensité et de l’ardeur au travail.»
Qu’on amène les sceptiques: Philippe Veilleux est fin prêt à se vendre aux recruteurs et à dissiper leurs doutes.
«Je vais leur vendre que je suis un playmaker, expose-t-il. C’est ma grande force. J’essaie de faire des jeux un peu partout. Je suis un gars avec extrêmement de skills. J’ai un très bon sens du jeu. Et même si je suis petit, je suis sneaky quand les joueurs adverses arrivent pour me frapper.
«Sinon, j’ai un bon lancer. Je ne pense pas que je suis le patineur le plus explosif, mais je suis agile sur les extrémités de mes lames.»

La culture l’a emporté sur les abonnés
C’est vêtu d’un maillot d’Auston Matthews alors qu’il manipulait la rondelle avec grande dextérité que Veilleux s’était fait connaître, très jeune, sur les réseaux sociaux.
À 13 ans seulement, «Philou» comptait pas moins de 23 000 abonnés à son compte Instagram. Le 13 août 2020, l’une de ses publications est partagée par le maître des habiletés Pavel Barber, puis commentée par Matthews et même par un certain Justin Bieber. La vidéo finit par cumuler près de 17 millions de visionnements. TVA Sports était allée à la rencontre du jeune prodige à l’époque.
Aujourd’hui, le compte Instagram de Philippe Veilleux ne compte plus que deux publications, deux photos de lui dans l’uniforme des Foreurs. La décision de passer l’éponge sur ses réseaux sociaux est d’un grand symbolisme: il devenait joueur de hockey.
«Quand tu vois ça, un compte populaire de même, tu te dis sûrement que le gars n’est pas tant sérieux, qu’il n’est pas bon au hockey, explique le jeune homme. Je voulais me défaire de cette image.»
Vers la fin de son année midget, il a tout effacé. Ça ne lui tentait pas particulièrement de le faire, mais il sentait le besoin de se protéger contre les préjugés.
«Je n’ai aucun regret par rapport à mes publications, précise-t-il. Au contraire, je pense que j’aurais pu avoir beaucoup plus d’abonnés si j’avais continué à faire ce genre de vidéos.»
Cette décision est plutôt attribuable à une culture qui persiste dans le monde du hockey. Une culture dont Veilleux se distancie.
«Il y a une mentalité, admettons-le, old school, soutient l’attaquant des Foreurs. Les gens sont un peu jaloux. Ce sont des machines à trash-talk. Dès que tu as un peu de succès, ils vont commencer à ne pas t’aimer. Ils vont commencer à trash-talk sur la glace. C’est sûr qu’en enlevant ça, tu enlèves un peu de pression, un peu de hate par rapport à ça.
«Je ne suis pas un gros fan de cette mentalité.»
Un père analytique
L’entraîneur de Philippe Veilleux, Maxime Desruisseaux, insiste à plusieurs reprises sur l’amour infatigable pour le hockey de son poulain, un véritable «passionné».
«C’est l’une des raisons pourquoi il s’est rendu là où il est. Sa progression va continuer», prédit le pilote des Foreurs.
Disons que la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre. Cet amour a été transmis de père en fils. Sébastien Veilleux est extrêmement impliqué (presque à temps plein) dans le développement de son fils et il consomme énormément de vidéos pour se familiariser avec les meilleures pratiques ainsi que les techniques les plus novatrices.
«Il a plusieurs business en ligne qu’il peut maintenant faire rouler sans supervision avec l’aide de ses collègues, explique Philippe Veilleux. Il passe pas mal de temps à regarder des vidéos de mes matchs. C’est ce qui le tient occupé.»
D’ailleurs, quand Philippe parle de son développement, il parle au «on», signe de la grande complicité entre le père et sa progéniture.
«On n’a pas vraiment l’habitude d’inviter une tonne de coachs et de faire des entraînements, note-t-il. On est plus sélectifs sur les coachs. On travaille beaucoup avec Timothy Archambault, entraîneur au Collège Saint-Laurent. Sinon, cet été, on s’inspirait beaucoup de Paul Matheson, le spécialiste du patinage chez les Maple Leafs.»
Dans un monde saturé de spécialistes et d’experts en tous genres, le père de Philippe assume ainsi la responsabilité de distiller l’information pertinente à intégrer aux séances personnelles de fiston. Voilà l’une des nombreuses particularités de la méthode Veilleux.
Force est d’admettre que, ces temps-ci, elle rapporte.