Amende record pour le chef excentrique d'un petit parti qui a réussi à déjouer Élections Québec
Michel Leclerc, chef du Parti Libre, devra payer près de 36 000$ pour un stratagème de fausses contributions

Sarah-Maude Lefebvre et Patrick Bellerose
Le chef d’un petit parti des Laurentides a réussi à déjouer Élections Québec grâce à un lucratif stratagème de fausses contributions qui lui a permis d’amasser indûment des fonds publics.
Comment un parti marginal et inconnu du grand public, qui a obtenu 1678 voix au dernier scrutin provincial auquel il a participé, a-t-il pu déclarer 30 000$ en dons en une seule année?
C’est cette incongruité qui a mis Élections Québec sur la piste du Parti Libre, une formation menée par Michel Leclerc, un homme connu pour ses excentricités et ses accointances complotistes. Il a été condamné le 13 juin dernier à débourser une amende de 35 650$ après avoir plaidé coupable à trois chefs d’infraction pour avoir aidé la représentante officielle de son parti à remettre un faux rapport financier en 2020 et avoir lui-même fabriqué un faux reçu.
Il s’agit là de l’amende la plus élevée imposée à un seul individu par Élections Québec au cours des cinq dernières années.
La tournée des bars
De 2018 à 2020, ce petit parti a touché des dizaines de milliers de dollars d’Élections Québec.
Il faut savoir qu’Élections Québec verse 2,50$ pour chaque dollar reçu en don par un parti dûment autorisé afin de contribuer à son financement (jusqu’à concurrence de 20 000$ de dons).
Le parti de M. Leclerc, le Parti Libre, a ainsi soumis plusieurs fausses contributions pour recevoir de l’argent d’Élections Québec. Selon nos informations, différentes stratégies étaient utilisées par Michel Leclerc et d’autres solliciteurs. Par exemple, M. Leclerc faisait la tournée des terrasses et restaurants des villes de Saint-Sauveur et de Sainte-Adèle pour offrir des consommations d’alcool aux clients en échange de la signature d’un reçu de don. On aurait aussi offert à des électeurs de faire un don, pour ensuite les rembourser.
Le parti, qui a récolté 0,04% des voix aux élections provinciales de 2018, vivait largement selon ses rapports financiers. Plus de 120 000$ ont été dépensés par le Parti Libre en rémunérations et frais de déplacement en 2019 seulement, une année qui n’était pourtant pas électorale.
Joint au téléphone, M. Leclerc a expliqué que sa formation politique était présente à la fois sur la scène fédérale et provinciale. Il a admis avoir versé des montants de 100$ à des électeurs pour qu’ils fassent de la «publicité» pour le Parti Libre du Canada, mais en leur demandant du même coup de faire un don au Parti Libre Québec.
- Écoutez la chronique Crime et Société avec Félix Séguin, journaliste au Bureau d’enquête de Québecor via QUB radio :
Il prend la charge pour les autres
Selon lui, cette façon de faire était tout à fait correcte. «Je n’ai jamais donné d’argent. Jamais donné un cent à personne pour une contribution à Élections Québec. Ils disent que je donnais de l’argent au monde. C’est complètement faux», affirme-t-il.
M. Leclerc affirme avoir plaidé coupable seulement pour s’éviter d’onéreux frais d’avocats. «J’avais beaucoup de monde là-dedans. Il y avait 7-8 personnes impliquées. J’ai pris la charge pour tout le monde», dit-il.
Malgré ses déboires, ce dernier n’entend pas quitter la politique pour autant. Il désire demeurer actif sur la scène fédérale avec le Parti Libre du Canada, mais compte céder sa place comme chef de la formation.
Excentrique et associé aux complotistes
Une vidéo obtenue par Le Journal montre Michel Leclerc en compagnie de complotistes lors des élections fédérales de 2021. Il y affirme avoir assisté à des meurtres rituels par les francs-maçons lorsqu’il était enfant.
Le fondateur du Parti Libre est un personnage excentrique bien connu à Saint-Sauveur, où il s’est d’abord présenté à la mairie dans le but d’«alcaliniser la ville».
Dans un enregistrement vidéo de 2021 fourni par Gilles Brodeur, un citoyen ayant infiltré le groupe, le directeur général de la formation Martin Gravel affirme vouloir utiliser le Parti Libre pour défaire le premier ministre Justin Trudeau qui s’apprête, selon lui, à «voler l’élection» et à rendre le vaccin obligatoire pour tous.
«Parce que les camps COVID, au Canada, ils sont déjà prêts, branchés, fournis en eau, en électricité. Leur plan, c’est de commencer à les utiliser en novembre. Pour tous les gens qui ne seront pas vaccinés, il y a déjà le plan camps COVID qui est prévu», affirme-t-il dans une réunion à laquelle assiste Michel Leclerc.
Les complotistes bien connus François Amalega et Frédéric Pitre participeront à au moins une des rencontres du Parti Libre du Canada.
Ce dernier précisera d’ailleurs qu’il faut éviter de parler publiquement de «société secrète, de réseaux d’enfants», même si «on a tous fait nos recherches».
Moteur sans essence ni électricité
Quant à Michel Leclerc, il se présentera aux participants en tant qu’ancien membre des Forces armées canadiennes avec «une formation d’astronaute». «J’ai créé beaucoup de choses, des moteurs sans essence et sans électricité. Je me suis battu toute ma vie avec les gouvernements pour essayer de les mettre sur le marché. Des moteurs magnétiques, plein de choses...», affirme-t-il lors de la rencontre.
«Je viens d’une grosse famille de francs-maçons à Québec», poursuit-il. Un membre de sa famille, dit-il, «m’amenait dans une place de francs-maçons où il se faisait un sacrifice d’enfant».
Avec la collaboration de Philippe Langlois et Nora T. Lamontagne
Des milliers de dollars récoltés par le Parti Libre
Contributions récoltées
2020: 16 800$
2019: 33 950$
2018: 20 433$
Argent reçu du DGEQ (appariement et allocation)
2020: 46 261$
2019: 68 089$
2018: 51 438$
Rémunération et frais de déplacement du parti
2020: 57 300$
2019: 124 683$
2018: 40 125$
Source: Rapports financiers du Parti Libre
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.