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L'article provient de Le Journal de Québec
Monde

Aller ou non en guerre, là est la question

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Photo portrait de Antoine Robitaille

Antoine Robitaille

2022-03-08T10:00:00Z
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Serons-nous contraints d’aller en guerre ?

Chaque jour qui passe, cette question devient de plus en plus prégnante, obsédante.

Comment arrêter Poutine autrement ? Les appels à l’humanisme, comme les tentatives de négociation, n’ont aucune espèce d’effet sur lui. Les sanctions économiques, les stratégies d’« étouffement » de l’économie, à peine plus.

Pendant ce temps, l’effroyable agression se poursuit en Ukraine, avec son lot de destructions et de meurtres quotidiens.

Démocratie

« La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », selon la célèbre phrase de Carl von Clausewitz.

Mais au Québec, elle nous rebute, évidemment. D’abord parce que nous sommes un peuple foncièrement démocrate.

Alexis de Tocqueville, au XIXe siècle, expliquait qu’avec le progrès des principes démocratiques, au premier chef, l’égalité, « les passions guerrières deviendront plus rares et moins vives ».

Les aristocraties carburaient à l’épée, à l’honneur, aux succès guerriers.

Dans les démocraties, la guerre « gêne et souvent désespère cette foule innombrable de citoyens dont les petites passions ont, tous les jours, besoin de la paix pour se satisfaire ».

Ce n’est pas pour rien que Tocqueville parle de « petites passions » pour désigner « l’industrie et le commerce », entre autres, qui font le quotidien des citoyens normaux des démocraties. Il est lui-même un aristocrate qui affirmait encore à l’époque que « la guerre agrandit presque toujours la pensée d’un peuple et lui élève le cœur ».

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Cette façon de voir, pour la très grande majorité d’entre nous, est devenue totalement étrangère. Ça ne semble pas être le cas de Vladimir Poutine, qui a des réflexes aristocratiques (dans le mauvais sens du terme) mâtinés d’aspects hitlériens.

L’œil d’un démocrate voit d’abord la souffrance épouvantable que la guerre fait subir à des semblables, des « égaux » ; qu’ils soient soldats ou civils. Pourquoi infliger un tel sort à des êtres humains ? Dans quel but ?

L’honneur de la nation russe ? Sa « grandeur » ? Les prétendues « provocations » de l’OTAN ? Rien ne peut justifier, à des yeux démocrates, ce déferlement de violence.

Forcés

Autre raison pour laquelle la guerre et les solutions violentes rebutent aux Québécois : elles leur ont été dommageables : la « Conquête » de 1759 ; les rébellions écrasées de 1837-38. Ensuite, au XXe siècle, comme sujets de l’Empire britannique, les Québécois furent la plupart du temps forcés à la faire : Guerre des Boers ; 1re et 2e Guerre mondiale.

Parfois, pourtant, des Québécois ont, de leur plein gré, participé à des opérations guerrières. Dans les années 1860, ils se sont faits « Zouaves » pour aller défendre le pape, par exemple.

Mais surtout, entre 1939 et 1945, selon des chiffres que l’historienne Béatrice Richard avait mis en relief il y a quelques années, 131 618 Québécois s’enrôlèrent pour combattre les nazis.

Après les attaques du 11 septembre 2001, plusieurs de nos soldats ont participé à l’occupation de l’Afghanistan. Sans déclencher le pacifisme québécois traditionnel, d’ailleurs. Vingt ans plus tard, avec le retour des talibans au pouvoir à Kaboul, le sacrifice de nombreuses vies parut rétrospectivement totalement vain.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine nous place et nous placera de plus en plus devant un choix cornélien. Pouvons-nous tolérer que nos principes soient foulés aux pieds par un dictateur, sous de faux prétextes ? Accepterons-nous pour autant de participer à une alliance militaire contre une puissance nucléaire voisine (par l’Arctique) ?

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