Aller à l'école en avion: les défis particuliers de la vie sur une île isolée du fleuve Saint-Laurent
Comme cinq autres habitants de Saint-Antoine-de-l’Isle-aux-Grues, Caleb Gagnon doit prendre l'avion tous les jours pour aller à l'école

Martin Jolicoeur
Plusieurs Québécois ont réalisé leur rêve d’habiter sur une île isolée du fleuve Saint-Laurent. Le Journal vous présente quelques-unes de ces histoires incroyables, mais aussi les défis que représentent ces lieux uniques.
Vous trouvez difficile de concilier les horaires entre la maison, le travail et l’école des enfants? Imaginez alors que vous viviez isolé sur une île, sans école, et que votre enfant doive prendre l’avion tous les matins pour se rendre en classe.
C’est pourtant le quotidien d’Édith Rousseau et de son conjoint, tous deux résidents de L'Isle-aux-Grues, dans le fleuve Saint-Laurent, à un peu moins d’une dizaine de kilomètres au large de Montmagny, dans Chaudière-Appalaches.

Tous les jours de la semaine, de septembre à juin, comme cinq autres enfants de la municipalité de Saint-Antoine-de-l’Isle-aux-Grues, leur fils de 13 ans, Caleb Gagnon, doit prendre l’avion deux fois par jour pour aller et revenir de la polyvalente Louis-Jacques-Casault.
«Même si plusieurs amis les envient, je vous dirais qu’il n’y a rien de vraiment spécial pour eux à prendre l’avion quotidiennement. Malgré les apparences, cette vie n’a rien de vraiment jetset pour eux», explique la mère du jeune Caleb, Édith Rousseau, une employée de la Fromagerie de L’Isle et conseillère municipale du village de 114 résidents permanents.
La vie d’insulaire
C’est là l’une des particularités peu connues d’une des rares îles du Saint-Laurent occupées à l'année longue par ses habitants et non reliées par un pont. Le Journal s’est intéressé au quotidien méconnu de dizaines de ces insulaires qui possèdent ou fréquentent, sur une base régulière, l’une des quelque 200 îles qui baignent dans le fleuve (voir autres textes).
En ce qui concerne les enfants de Sainte-Antoine-de-l'Isle-aux-Grues, ils doivent prendre l'avion pour se rendre à Montmagny depuis 1999, date à laquelle il fut décidé de fermer définitivement l’école primaire du village qui ne comptait plus que 12 élèves.

Les départs se font de 7h30 à 7h55 le matin alors que le retour se déroule de 15h30 à 16h20, avant la tombée de la nuit.
Un deuxième logement
Un impératif de sécurité qui n’est pas sans teinter l’expérience scolaire des enfants comme Caleb Gagnon, un mordu de hockey, inscrits au profil sport-études de son école. Il arrive, pour cause d'entraînements, de tournois ou autres, qu'il ne puisse pas prendre l’avion du retour à la maison.

«Pour tout le monde ici, ça demande des ajustements, une gymnastique de vie à laquelle la plupart des Québécois ne sont pas confrontés, explique Mme Rousseau. Notre garçon ne joue pas au hockey, il en mange. Il a joué dans quatre ligues différentes cette année. Dans les circonstances, nous n’avons pas eu d'autre choix que de nous prendre un petit deux et demi à l’extérieur de l’île.»
Ce qui rend l’expérience des enfants et parents des plus douces est que toutes les personnes impliquées, de près ou de loin dans le parcours de ces enfants, se mobilisent pour rendre l’expérience viable.
Ainsi, lorsque le vol de l'avion est retardé en raison du verglas ou du brouillard, il n’est pas rare qu’un employé de l’aéroport décide d'accompagner les enfants à l'école lui-même en voiture, au lieu de l'autobus scolaire. Les professeurs sont aussi conciliants devant ces absences ou retards, hors du contrôle des enfants.
«Il est certain que nos enfants deviennent vite débrouillards et responsables. Mais avec l’aide de la communauté, de l’île et de l’extérieur de l’île, qui fait en quelque sorte équipe avec nous, notre réalité particulière d’insulaire réussit à devenir autre chose qu’une épreuve quotidienne», conclut la conseillère municipale.