Airbnb, Booking: un propriétaire peut-il installer des caméras dans le logement que vous louez?


Gabriel Ouimet
Vous louez un chalet avec un groupe d’amis sur une plateforme de location et une fois sur place, les nombreuses caméras de surveillance qui y sont installées vous donnent l’impression que vos moindres faits et gestes sont observés. Est-ce légal? On a demandé à des experts pour y voir plus clair.
Au Québec, il n’y a pas de loi qui encadre spécifiquement la surveillance par caméras dans les hébergements touristiques de courte durée tels que ceux loués sur les plateformes comme Airbnb ou Booking.
Il faut donc s’en remettre au concept de vie privée, tel que garanti par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, ainsi que par le Code civil du Québec.
«De manière générale, la loi dit qu’on ne peut pas être filmés ou surveillés dans un lieu où il y a expectative de vie privée», indique Nicolas Vermeys, directeur du Centre de recherche en droit public (CRDP).
Un propriétaire ne peut donc en aucun cas vous surveiller à votre insu. Si des caméras, des micros ou d'autres dispositifs de surveillance sont installés dans le logement que vous louez, cela doit être indiqué dans le contrat ou dans l’annonce de location, ajoute celui qui est aussi professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal.
«Il faut que ce soit extrêmement clair. Les caméras doivent être identifiées et la clause doit être bien visible», soutient-il.
Idéalement, il faudrait que les locataires aient été informés de la présence de ces caméras avant de procéder à la location de l’endroit. Les plateformes comme Airbnb et Booking imposent d’ailleurs cette condition aux propriétaires.
- Écoutez la journaliste à la recherche Marianne Bessette via QUB radio :
À l’intérieur de la résidence
La divulgation et l’identification des caméras ne donnent pas carte blanche à un propriétaire.
Théoriquement, si vous louez une propriété entière, l’ensemble du bâtiment est considéré comme un espace privé où vous êtes en droit de vous attendre à ce que votre intimité soit respectée.
Ainsi, un propriétaire qui désire surveiller les lieux à l’aide de caméras doit pouvoir le justifier, indique Nareg Froundjian, avocat spécialisé en droit des technologies au sein du groupe de Protection des renseignements confidentiels, vie privée et cybersécurité de Fasken.
«C’est une question d’équilibre. La question devient: est-ce que l’atteinte à la vie privée qu’occasionne la surveillance par caméras est raisonnable dans les circonstances? C’est au propriétaire d’en justifier l’utilisation», explique l’avocat.
Des caméras pourraient donc servir à s’assurer que les règlements de location soient respectés, ou encore à confirmer un bris. M. Froundjian cite l’exemple d’une table de billard.
«Si j’ai une table de billard qui vaut très cher, je pourrais installer une caméra qui filmerait uniquement la table. En cas de dommage, je pourrais m’en servir pour identifier le responsable. Encore une fois, il faut que ce soit indiqué», illustre-t-il.
Ces justifications ne peuvent cependant pas se faire au détriment de la vie privée des locataires. La surveillance est ainsi toujours interdite dans les salles de bains, les chambres, les toilettes et les endroits où dorment les vacanciers, poursuit le spécialiste.
«Dans un endroit où il y a un sofa-lit, c’est non. Même simplement un sofa, le droit de le surveiller par caméras serait débattable», précise-t-il.
À l’extérieur de la résidence
Dans les espaces extérieurs privés comme les entrées, les stationnements et les voies d’accès, les caméras pourraient être justifiées par des motifs de sécurité. Pour le reste du terrain, il faut encore une fois s’en remettre aux attentes raisonnables des locataires, indique Nareg Froundjian.
«Si tu es dans un spa ou une piscine, des endroits où tu es à moitié nu, est-ce que tu peux raisonnablement t’attendre à ce que ta vie privée soit respectée? Est-ce raisonnable de surveiller ces endroits par caméras?», questionne-t-il.
Les deux experts soulignent d’ailleurs que le propriétaire ne peut théoriquement pas visionner ces enregistrements comme il le désire. S’il s’en sert pour vous reprocher quelque chose, il doit pouvoir expliquer ce qui l’a poussé à regarder ces images.