Aimez-vous les films d’horreur?
Équipe Salut Bonjour
Personne ne se lève le matin avec l’envie de se faire prendre en otage et d'être torturé par un psychopathe sanguinaire. Personne ne part avec des amis pour un week-end dans un chalet en forêt en espérant que chacun d’eux se fasse trucider par un être maléfique de manière aussi violente qu’originale. Mais alors, pourquoi sommes-nous à ce point fascinés par des séries comme Monstres sur Netflix, mettant en vedette des tueurs célèbres, ou par d’innombrables films d’horreur où des humains se font massacrer en gros plans et en haute définition pour mieux satisfaire le regard des spectateurs?
Ces œuvres morbides sont populaires toute l’année, mais en octobre, l’horreur est encore plus à l’honneur. D’ailleurs, elle sort même de nos écrans pour se retrouver dans les décorations d’Halloween devant de nombreuses résidences. Sur les plans culturel et anthropologique, lorsqu’on y réfléchit avec un peu de recul, il est troublant de se procurer de faux membres humains sanguinolents dans un magasin à un dollar pour en orner un arbre, probablement entouré de fausses pierres tombales, devant la maison familiale, et ce, pour le plaisir des enfants! Devant une telle description étrange, on se croirait dans un épisode de La famille Addams (séries et films américains inspirés d’une bande dessinée de 1938 de Charles Addams)!

Un mélange de peur et d’excitation
La peur est une émotion qui réagit à la perception d’une menace. Le cerveau sécrète alors des hormones comme le cortisol et l’adrénaline, déclenchant une série de réactions physiologiques: augmentation du rythme cardiaque et de la pression artérielle, sudation, accélération de la respiration, le sang est davantage dirigé vers les muscles importants, ce qui diminue la circulation sanguine dans la peau et les extrémités. Bref, ce sont des sensations intenses, car le corps se prépare à fournir un effort majeur pour combattre ou fuir un danger.
Lorsque nous regardons un film d’horreur en sécurité dans un endroit confortable, entourés de gens que nous aimons, ces réactions intenses sont déconnectées d’un danger réel, créant un mélange d’excitation et de frissons, sans que notre vie soit menacée. D’ailleurs, un type d’excitation similaire peut se produire dans certains manèges ou dans la pratique d’activités extrêmes (saut à l’élastique, parachutisme, etc.) avec du matériel sécuritaire.
Une source d’évasion
L’intensité des sensations provoquées par ces films nous fait décrocher de notre quotidien ou de nos problèmes, qui sont bien peu de choses en comparaison avec une invasion de zombies dans un monde postapocalyptique! De plus, ces émotions fortes sont facilement accessibles dans le confort de notre salon ou d’une salle de cinéma. Mais attention, je ne dis pas que ce type de divertissement est agréable pour tout le monde.
Une source de défoulement
Que ce soit en lien avec notre travail, nos relations ou simplement les mauvaises nouvelles qu’on entend chaque jour dans l’actualité, nous ressentons et accumulons parfois beaucoup de frustration. Nous sommes, en majorité, des gens bien élevés, alors nous restons polis et courtois malgré ces innombrables sources d’irritation. Vous voyez où je veux en venir... Certaines personnes éprouvent un grand soulagement à laisser «sortir le méchant» par procuration en regardant des personnages fictifs donner libre cours à leur agressivité sans la moindre contrainte. Cela correspond à la notion de catharsis, selon Aristote, qui est un «effet de purification des passions produit chez le spectateur d’une représentation dramatique».
Une source de rapprochement
Devant des épreuves et des menaces, les humains se serrent les coudes pour mieux les affronter. Les fictions d’horreur peuvent offrir cette occasion de rapprochement pour «passer à travers» le film sans s’exposer à un risque réel. De plus, l’intensité des émotions que nous ressentons dans une situation fait en sorte qu’elles deviennent plus mémorables. Dès lors, nous risquons de garder un souvenir plus vif de notre soirée amicale de cinéma d’épouvante.
Une source d’estime
Le côté horrifique de ces œuvres peut les transformer en défis à relever, presque en rites initiatiques à l’adolescence. Plusieurs enfants des années 70 et 80 se souviennent du présentoir de films d’horreur au club vidéo du coin qui, à lui seul, suffisait à provoquer une petite frayeur. Faisiez-vous partie des courageux qui avaient loué Amityville ou L’exorciste? N’est-ce pas bon pour l’estime de soi d’affronter ses peurs?
Ces films peuvent donner la chance de se valoriser en imaginant que nous aurions réagi d’une manière plus intelligente que certains personnages qui, avouons-le, sont plutôt faciles à battre: pourquoi faut-il que chacun parte seul de son côté quand vient le temps d’explorer un endroit où rôde un meurtrier en série? Ce côté prévisible et même cliché fait partie du plaisir. De plus, même si nous savons ce qui va arriver, nous sursautons lorsque cela se produit, que ce soit à l’apparition soudaine du tueur ou quand le classique chat surgit de nulle part en sifflant de rage.
Une source d’expériences par procuration
Qu’il s’agisse de drames psychologiques, de récits historiques, de biographies ou de films de guerre, d’amour ou d’horreur, les œuvres de fiction nous permettent de nous placer devant des situations extrêmes que nous ne vivrons probablement jamais. Elles offrent l’opportunité de réfléchir à la manière dont nous pourrions réagir et peuvent même contribuer à mieux comprendre le vécu des personnes qui vivent réellement des situations semblables à celles présentées à l’écran.
Une source de satisfaction de notre curiosité (morbide)
Plusieurs personnes ont une curiosité pour des choses qui leur font peur ou même qui les dégoûtent. La prolifération d’images violentes ou sensationnalistes dans les médias sociaux ainsi que les gens qui ralentissent pour regarder un grave accident de la route illustrent bien cet aspect de l’être humain. De plus, l’utilisation de l’IA pour créer une quantité illimitée d’images d’horreur réalistes fait déjà partie de notre réalité d’aujourd’hui. De nombreux films d’horreur offrent la possibilité de satisfaire une part de cette curiosité morbide.
Les conditions gagnantes pour apprécier l’horreur
Pour que l'expérience de la peur soit plaisante, certains éléments doivent être présents1.
1. La sécurité: Il est essentiel de se sentir vraiment en sécurité pour apprécier une œuvre terrifiante. Par exemple, je ne recommanderais pas d’écouter le film Le projet Blair sur votre téléphone si vous êtes réellement perdu en forêt. Regarder un film d’horreur seul dans un chalet pendant un orage violent est sûrement plus terrifiant qu’en couple ou avec des amis dans un contexte chaleureux, avec du pop-corn et des bonbons.
2. Le détachement: Non seulement les scènes d’épouvante à l’écran ne touchent pas des personnes que nous aimons ou que nous connaissons, mais nous savons qu’il s’agit de comédiens et d’effets spéciaux. Cette conscience du côté fictif de l’œuvre permet de garder une certaine distance psychologique protectrice. D’ailleurs, certains films d’horreur présentent des scènes si exagérées et caricaturales (gore) qu’elles transforment la peur en rire pour certains amateurs de ce genre cinématographique. L’horreur moins flamboyante et plus réaliste ou la terreur psychologique peuvent rendre le visionnement plus perturbant en diminuant cet effet de détachement. Une trop grande distance nous fera perdre notre intérêt, alors nous devons faire preuve d’une suspension volontaire de notre incrédulité: même si nous savons qu’il s’agit d’une fiction, nous acceptons de mettre notre esprit critique de côté pour plonger dans l’œuvre et vivre de véritables émotions.
3. Le contrôle: Les individus doivent sentir qu’ils sont en contrôle et qu’ils peuvent arrêter l’expérience à tout moment. Si une personne qui regarde un film d’horreur avec vous ne se sent plus à l’aise de poursuivre le visionnement, vous ne devez pas insister pour continuer ou, pire encore, l’humilier parce qu’elle ressent des émotions trop désagréables pour elle.
Aimer ou ne pas aimer les films d’horreur?
Peut-être que vous aimez occasionnellement ce type de film, comme à l’approche de l’Halloween, mais que la plupart du temps, ce n’est pas le genre que vous préférez. Nous vivons dans un monde stressant et sommes constamment en état d’alerte, alors nous pouvons avoir besoin de vivre des expériences douces et réconfortantes dans nos divertissements. Certaines personnes sont plus sensibles et ne recherchent pas de sensations fortes de peur lorsqu’elles choisissent un film. De plus, nous côtoyons parfois, sans le savoir, des gens qui ont subi des traumatismes ou des actes de violence; il est inutile de vous dire que certains films peuvent replonger ces personnes en contact avec des émotions insupportables.
Conclusion
Il est important de garder à l'esprit que, pour apprécier un film d’horreur, il faut d’abord se sentir en sécurité. Et ce sentiment ne provient pas seulement des murs, du toit et de la serrure de notre porte, mais aussi du respect, de l’empathie et de l’affection des personnes qui nous entourent. Bref, se sentir en sécurité psychologiquement est essentiel devant un film d’horreur, mais c’est encore plus crucial devant les défis de la vie dans la réalité de tous les jours.
1. The Psychology Behind Why We Love (or Hate) Horror, Haiyang Yang et Kuangjie Zhang, 26 octobre 2021 https://hbr.org/2021/10/the-psychology-behind-why-we-love-or-hate-horror