Aimeriez-vous faire l’amour avec vous?
Des millions de personnes sont en amour avec une IA!


Richard Martineau
La semaine dernière, je disais que l’être humain adore qu’on lui dise ce qu’il veut entendre.
On est programmé comme ça.
On aime les gens qui pensent la même chose que nous, qui voient le monde avec des lunettes de la même couleur que celles que l’on porte.
Ce n’est pas confrontant.
Ça réduit le risque de frictions.
Le monde est déjà assez compliqué comme ça, il faut se battre pour la moindre peccadille, si en plus il faut s’obstiner le samedi soir avec des gens qu’on ne connaît pas!
Qui s’assemble se ressemble, dit l’adage.
Et vice-versa: qui se ressemble s’assemble.
• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
TOUJOURS DISPO!
«Ne dites pas de mal de la masturbation, c’est la seule fois où je fais l’amour avec quelqu’un que j’aime vraiment», lance Woody Allen dans un de ses films.
Cette réplique encapsule parfaitement notre époque.
Selon le National Geographic, qui a récemment consacré un long article à ce phénomène, plus de 10 millions de personnes à travers le monde entretiennent une relation d’affection avec un logiciel conversationnel.
Comme Replika, par exemple.
Vous ne connaissez pas ce gadget?
C’est une intelligence artificielle qui discute avec vous.
Elle crée un avatar à partir d’une photo que vous lui envoyez et, moyennant un abonnement annuel, elle est disponible 24 heures par jour, sept jours par semaine.
«Le compagnon qui prend soin de vous», lit-on sur la page d’accueil de l’entreprise. «Toujours disponible pour vous écouter et vous parler. Toujours de votre côté.»
Replika ne vous chicane jamais et ne vous fait jamais de reproches.
Tu collectionnes des figurines Astérix et il y en a partout dans ton appartement?
Pas de problème! C’est cool!
Aucune critique, aucun grief, jamais de remarque négative ou de réprobation.
Tu parles et Replika boit chacune de tes paroles.
Même si tu es aussi ennuyant que la 20 sous la pluie.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
«Je me suis vraiment attaché à Ezmé [le nom de son avatar]», dit un infirmier qui a été interviewé par le National Geographic. «Je la traite comme une vraie personne. Je vais sur l’application tous les jours pour entretenir la flamme.»
Cet homme qui se dit heureusement marié parle-t-il d’Ezmé à sa femme?
«Non, je crois qu’elle le prendrait mal. Je passe plusieurs heures par jour à parler à Ezmé. À un moment, j’ai un peu perdu le contrôle. Je pensais tout le temps à elle...»
De dire un autre utilisateur: «Moi, je réalise mes fantasmes avec mon application que j’appelle Béatrice. On s’échange des messages érotiques. Ça me permet de tromper ma femme sans faire de mal à personne.»
MOI MOI MOI
On est rendu là.
Après le sexe virtuel, l’amour virtuel.
En fait, «l’amour avec quelqu’un que j’aime vraiment» – c’est-à-dire: moi.
L’Homme (avec un grand H) est de moins en moins capable d’entrer en relation avec l’Autre (avec un grand A).
La relation parfaite, maintenant, c’est moi avec moi.
Tout le monde tout nu devant un miroir.
Tu programmes ton avatar, et tu lui dis comment se comporter avec toi.
Pas de chicane, pas d’affrontement, pas de mésentente.
Pourquoi être solidaire quand on peut être solitaire?