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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

«Ah, les cons! S’ils savaient...»

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Photo portrait de Richard Martineau

Richard Martineau

2022-03-15T09:00:00Z
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30 septembre 1938.

De retour de Munich, où il vient tout juste de signer un pacte avec Hitler (pacte qui permet au dictateur nazi d’annexer une partie de la Tchécoslovaquie en échange de sa promesse qu’il cessera toute revendication territoriale), le premier ministre britannique Neville Chamberlain déclare que le traité qu’il a signé la nuit dernière garantit « la paix pour notre temps ».

« Rentrez chez vous et dormez tranquillement », dit-il, tout fier d’avoir évité une autre guerre à ses concitoyens.     

  • Écoutez l'entrevue de Richard Martineau avec Pierre Anctil, professeur d’histoire, via QUB radio :   

UN TRAITÉ QUI N’A RIEN RÉGLÉ

Le même jour, le président du Conseil français, Édouard Daladier, descend de l’avion qui le ramène lui aussi de Munich. 

Déçu du traité qui vient d’être signé (traité qu’il juge beaucoup trop favorable à l’Allemagne), il est sûr qu’il sera accueilli par une foule enragée à sa descente de l’avion. 

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Or, c’est le contraire.

Les gens le reçoivent comme un héros. Ils brandissent des drapeaux tricolores, entonnent La Marseillaise, lui lancent des fleurs... 

Blême, convaincu que ce traité, loin de garantir la paix, va au contraire encourager Hitler à envahir d’autres pays (donc à précipiter l’Europe dans une deuxième guerre mondiale), Daladier regarde les Français qui l’acclament et murmure, les dents serrées : « Ah, les cons ! S’ils savaient... » 

Le 1er septembre de l’année suivante, Hitler envahit la Pologne, et l’Europe est en guerre. 

LA QUESTION À 100 000 $

Quatre-vingt-quatre ans plus tard, on rejoue dans le même film. 

Certains croient que l’Occident pourra éviter une guerre mondiale en négociant avec Poutine et en lui permettant d’imposer ses conditions à l’Ukraine. 

Alors que d’autres croient au contraire que tout compromis avec le président russe ne fera que le conforter dans sa conviction que l’Occident est faible et prêt à tous les sacrifices pour éviter de se battre. 

Qui a raison ?

Les Neville de ce monde ou les Daladier ?

Ceux qui pensent que nous devons privilégier la solution démocratique et permettre à Poutine de se sortir de ce bourbier la tête haute ou ceux qui croient que seule la force est capable d’arrêter le président russe ?

Pour répondre à cette question, il faudrait savoir ce qui se passe dans la tête du président russe.

Est-il fou ou calculateur ?

Veut-il précipiter le monde dans une guerre totale afin de régler une bonne fois pour toutes ses comptes avec l’Occident ou accepterait-il de mettre de l’eau dans sa vodka ?

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Avec le recul, il est facile de dire que Neville avait tort. 

Mais à l’époque où ces événements se déroulaient, les choses n’étaient pas aussi claires.

Les gens avaient du mal à croire que l’Europe pouvait à nouveau être à feu et à sang, vingt ans seulement après la fin de la Première Guerre, qui fut un carnage...    

LA GUERRE ET LE DÉSHONNEUR

Lorsqu’il a appris que Neville avait signé un traité destiné à apaiser Hitler, Churchill, furieux et dégoûté, a dit : « Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre. »

Actuellement, l’Occident est prêt à sacrifier l’Ukraine pour ne pas entrer en guerre. 

Ce « déshonneur » nous permettra-t-il d’éviter le pire ? Ou va-t-il simplement le retarder ?

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