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L'article provient de Bureau d'enquête

Agression sexuelle: Catherine Fournier s’est sentie «trahie» quand son nom a été dévoilé malgré une interdiction

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Marie-Christine Noël et Mathieu Carbasse

2023-04-18T21:00:00Z
2023-04-19T03:10:11Z
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Agressée sexuellement par Harold LeBel, la mairesse de Longueuil Catherine Fournier a vu son monde s’effondrer lors de l’arrestation de ce dernier le 15 décembre 2020. Ce jour-là, son nom a circulé dans les médias en dépit d’un interdit de publication censé protéger son identité, générant un tourbillon qu’elle avait tout fait pour éviter.

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Ce moment constitue une partie cruciale de son parcours judiciaire, qu’on découvre dans le documentaire Témoin C.F., produit par notre Bureau d’enquête et disponible le 19 avril sur la plateforme Vrai. 

  • Pour voir le documentaire Témoin C.F. sur Vrai, cliquez ici. 

«J’appréhendais beaucoup ce moment-là, car c’est un pan assez intime de ce que j’ai vécu», confie la jeune femme de 31 ans en entrevue. 

«Je suis habituée à prendre la parole en public, à m’exprimer sur différentes tribunes. [Mais] c’est une partie de ma vie plus personnelle, autant par rapport à l’agression comme telle que par rapport à mon parcours individuel à travers le système judiciaire. D’où mon sentiment de fébrilité aujourd’hui», admet-elle. 

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Capture d'écran / Vrai
Capture d'écran / Vrai

C’était pour être conséquente avec ses valeurs, mais aussi rassurée par l’interdit de publication sur son identité, que Catherine Fournier a porté plainte en 2020.  

«Je m’exprime sur plusieurs tribunes depuis plusieurs années pour encourager les victimes à dénoncer. Il y avait une sorte d’ironie dans le fait que moi, je ne le faisais pas. C’est ça aussi qui m’a amenée à vouloir dénoncer, une fois que j’ai eu la garantie que mon identité pourrait être protégée».  

«L’OPPOSÉ DE CE QUE J’AVAIS IMAGINÉ»  

Cette garantie ne tiendra que 62 minutes le 15 décembre 2020, jour de l’arrestation d’Harold LeBel pour agression sexuelle à son endroit. 

Rapidement, des détails permettant de l’identifier sont publiés sur les réseaux sociaux, avant d’être repris par plusieurs médias. Plus tard, un chroniqueur révèle même son nom à la télévision.  

  •  Écoutez l'entrevue avec Walid Hijazi, avocat criminaliste à l’émission de Sophie Durocher via QUB radio : 

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«Il s’est passé ce jour-là l’opposé de ce que j’avais imaginé, et de comment on m’avait expliqué ce qui allait se passer», explique-t-elle encore décontenancée trois ans plus tard.  

Malgré l’intervention du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) en fin de journée, le mal était fait. Toute la classe politique et médiatique connaissait désormais l’identité de la victime alléguée dans l’affaire Harold LeBel.  

SENTIMENT DE TRAHISON  

«Je me suis sentie trahie par tout le monde, affirme Mme Fournier. Pas par les gens qui étaient des intervenants dans mon dossier. Je me suis sentie trahie par l’institution, par la machine du DPCP, par la machine de la SQ, puis par la machine médiatique», dit-elle. 

Quand son nom a commencé à sortir, son père l’a appelée en pleurant. Il avait deviné qu’elle était la victime d’Harold LeBel, comme feue sa grand-mère chérie.  

«Ma famille, je trouvais que c’était inutile de leur faire vivre ça. Je n’avais pas envie de leur raconter. Finalement, ils l’ont appris de la pire façon», regrette-t-elle encore aujourd’hui.  

Capture d'écran / Vrai
Capture d'écran / Vrai

PROCÈS ÉPROUVANT 

Même si la mairesse de Longueuil est habituée à parler en public, elle avoue que son témoignage lors du procès demeure une expérience éprouvante sur le plan psychologique.  

«L’agression, je ne l’avais pas racontée à beaucoup de monde, même parmi mes amis proches. Alors devoir le faire devant des gens, devoir donner des détails...», explique-t-elle.  

Et elle avait peur que le jury juge la façon dont elle avait réagi pendant l’agression sexuelle survenue en 2017 au condo de LeBel à Rimouski. 

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Celui que Mme Fournier considérait comme un ami l’avait invité à dormir chez lui alors qu’elle était de passage dans la région pour le travail.

«J’aurais voulu me lever et me sauver [cette nuit-là]. Je m’en suis voulu pour ça, d’avoir laissé ça arriver. J’avais peur que les jurés me jugent comme moi je me suis jugée.» 

D’ailleurs, Catherine Fournier n’hésite pas aujourd’hui à s’interroger sur le bien-fondé d’un procès devant jury dans ce genre de causes. « Alors que maintenant les juges sont formés sur ces questions-là, est-ce qu’un procès devant jury est pertinent ? se demande-t-elle. Même si pour moi, ça s’est bien passé, je demeure avec le même scepticisme sur le recours au procès devant jury dans les causes d’agression sexuelle. »  

Capture d'écran / Vrai
Capture d'écran / Vrai

«EN PAIX AVEC MA DÉCISION»

Catherine Fournier n’avait jamais imaginé devoir témoigner devant un jury au moment où elle a porté plainte. Avoir su, elle n’aurait peut-être pas pris la même décision.  

«Un procès devant jury? Je n’avais jamais jamais envisagé cette possibilité-là. Si je l’avais su dès le départ, est-ce que je l’aurais fait quand même? C’est une bonne question...», avoue-t-elle.  

  • Écoutez l'entrevue avec Catherine Fournier à l’émission de Yasmine Abdelfadel via QUB radio : 

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Avec du recul, Mme Fournier sait qu’elle a fait «la bonne chose» et se dit aujourd’hui «en paix avec sa décision.» 

Condamné à 8 mois de prison le 26 janvier dernier, Harold Lebel a bénéficié d’une libération conditionnelle le 21 mars, après moins de deux mois derrière les barreaux. 

Ce que Catherine Fournier a dit sur : 

L'ASSEMBLÉE NATIONALE

«C’était l’omerta à l’Assemblée nationale, personne n’a remis en question le fait qu’il [Harold Lebel] demeure en poste, qu’il continue à faire des sorties en tant que député. Je crois en l’exemplarité de la fonction, c’est pour ça que je n’ai pas compris qu’il reste en poste. J’étais sûre qu’il allait démissionner.»

LE VERDICT

«Justice a été rendue parce qu’Harold LeBel a été reconnu coupable. Prison ou pas prison, je ne me suis jamais attardée à ça. Moi, ce n’était que le verdict qui m’intéressait.»

L'ENTOURAGE D’HAROLD LEBEL

«Sa famille, ses amis, ses proches, il y a beaucoup de victimes collatérales dans ce processus. Je trouve ça injuste pour eux, ils n’ont pas cherché ça.»

LE NON-RESPECT DE L’ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION

«C’était le pire scénario qui était en train de s’écrire sous mes yeux. Je n’en revenais pas à quel point on avait perdu le contrôle.»

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