Ados au travail: gare à l’exploitation


Antoine Robitaille
Dire que le Québec donne dans le capitalisme sauvage en matière de travail des enfants serait exagéré.
Certes, il n’y a pas ici d’âge minimal pour obtenir un emploi (comme ailleurs dans le Dominion), mais un encadrement existe : moins de 14 ans? Les parents doivent consentir. Moins de 16 ans? Impossible de l’embaucher pendant les heures de classe. Ni la nuit. Moins de 18 ans? Aucun travail dépassant ses «capacités» ne peut lui être confié.
Mais ces principes, mal appliqués, ne suffisent plus. Comme nous le montrait le dossier du Journal de la fin de semaine, les raretés de main-d’œuvre conduisent nombre d’employeurs à embaucher de jeunes adolescents.
Pas drôle
On a tous une anecdote. Dans une quincaillerie récemment, j’ai personnellement dû aider un très jeune travailleur à transporter un lourd rouleau de tapis ; puis à en couper un morceau! Ce type de situations qui se multiplie a suscité publicités humoristiques, et même un sketch au Bye bye.
Pourtant, il n’y a pas toujours matière à rire. Les études de nombreux jeunes en pâtissent. Et même leur santé.
- Écoutez Alexandre Leduc, député d'Hochelaga-Maisonneuve de Québec solidaire, en entrevue au micro d' Antoine Robitaille, disponible en balado sur QUB radio :
«L’augmentation du nombre d’accidents de travail chez les employés de moins de 16 ans»? «Il a grimpé de 155 % entre 2017 et 2021 au Québec», selon la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).
Bonne dose
Bien sûr, il ne faut pas diaboliser le travail. Combien d’entre nous ont acquis des compétences, le sens des responsabilités, en étant camelot par exemple (malheureusement une espèce en voie de disparition).
Dans son dossier, Le Journal exposait le cas du jeune Elyot Lévesque, 13 ans, dont le boulot dans un Tim Hortons de Cowansville semble avoir été bénéfique. Même sur le plan scolaire. Probablement parce qu’on a trouvé la bonne dose : il ne travaille qu’un seul soir par semaine.
Camelots, moniteurs de camp de vacances, arbitres dans des ligues mineures, enfants dans les arts de la scène, etc. il existe bien sûr des exemples où le travail des jeunes peut, à petite dose, être bénéfique, me soulignait Alexandre Leduc, de Québec solidaire, lundi.
Or, ce n’est pas ce type de phénomène auquel on fait face actuellement. Le travail des jeunes de l’âge du secondaire croît de manière affolante actuellement : 26 % par rapport à l’année précédente, selon une enquête du CIUSSS de l’Estrie.
- Écoutez Éric Duhaime en entrevue au micro d' Antoine Robitaille, disponible en balado sur QUB radio :
Le ministre du Travail, Jean Boulet, a promis de déposer un projet de loi. Un Comité consultatif (CCTM) où siègent patrons et syndicats lui a proposé d’établir un âge minimal de 14 ans. Mais des groupes (restaurateurs, commerce au détail) demandent des exemptions. Le 9 février, Boulet refusait de préciser s’il accepterait ou non cette demande pourtant risquée : «Les secteurs comptant le plus d’accidents du travail chez les jeunes sont le commerce de détail, l’hébergement et les services de restauration», peut-on pourtant lire dans le rapport du CCTM.
Un peu plus et nous devrons rappeler de célèbres vers de Victor Hugo!
«Travail mauvais qui prend l’âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d’un enfant ainsi que d’un outil!»