Adoption de chiens: après le raz de marée de la pandémie, les chiots peinent désormais à trouver leur famille
Certains éleveurs ont choisi de suspendre leurs activités de reproduction


Catherine Bouchard
Après les records d'adoption de chiots durant la pandémie, les éleveurs de chiens au Québec font maintenant face à une baisse marquée de la demande, poussant certains d’entre eux à mettre sur pause leurs activités de reproduction.
Les listes d’attente qui se calculaient parfois en années pendant la crise sanitaire sont maintenant chose du passé chez de nombreux éleveurs.
«Depuis février que je n’ai pas eu de portée. Je n’ai qu’une réservation, donc je n’ai pas encore choisi de faire une portée, parce que je ne veux pas rester prise avec des chiots», explique Nathalie Beaulé, qui possède un élevage d’épagneuls Clumber à Saint-Marc-sur-le-Richelieu.
Et pourtant, en 2020 et 2021, elle n’a eu aucun problème à trouver des familles pour ses chiots.
«J’avais beaucoup de demandes, je manquais de chiots», précise-t-elle, ajoutant qu’elle ne fait qu’une portée par année.
Sa chienne a accouché de quatre chiots lors de sa dernière portée et elle a eu beaucoup de difficulté à vendre le dernier.
«Et nous sommes juste deux éleveurs de cette race au Canada», fait valoir Mme Beaulé.
- Écoutez l'entrevue avec Serge Boudrias, Président de l'Union des éleveurs canins du Québec à l’émission de Richard Martineau via QUB radio :
Familles recherchées
Danick Pelletier possède un élevage d’épagneuls springer anglais dans le quartier Saint-Étienne, à Lévis. Il a eu une portée en août dernier et avait 17 réservations dans son carnet.
«Tout le monde a reporté, sauf deux», lance-t-il. Il a réussi – non sans effort – à placer ses autres chiots.
Il a maintenant une portée de six chiots âgés de 3 semaines. Deux bêtes sont toujours en attente de trouver une famille. Lui qui avait autrefois deux ans d’attente vit complètement l’inverse.
«C’est en ce moment le choc total. J’ai 10 clients qui ont annulé», laisse-t-il tomber.

Les golden retrievers aussi
Les golden retrievers, qui sont des chiens très populaires, ne font pas exception. Monique Drolet, qui possède un élevage à Beaumont, doit multiplier les efforts pour trouver des familles, tout en respectant ses critères de sélection.
«J’avais une très grosse liste d’attente avant. Malheureusement, je dois vous avouer que maintenant, pour une portée de six, je peux appeler jusqu’à 24 contacts», observe-t-elle.
Mme Drolet a une portée qui s’en vient, mais il n’y en aura pas d’autres cette année. Elle a des réservations, mais reste craintive.
«Est-ce que, encore une fois, j’aurai plein d’annulations?», s’inquiète-t-elle.
Toutefois, si elle veut assurer la pérennité de son élevage, l’une de ses chiennes qui arrivent à la retraite devra éventuellement se reproduire.
«Je n’ai pas le choix, c’est sa dernière portée. Si je ne l’accouple pas, je n’aurai jamais le chiot de la relève que je veux», explique-t-elle.
L'inflation influence aussi les décisions
Le contexte économique difficile actuel n'est pas étranger à la diminution de la demande chez les éleveurs, selon un organisme pour le mieux-être animal.
«Les éleveurs vivent dans la même société que nous. Les coûts ont augmenté pour tout. Ce n’est pas juste la nourriture, ce sont aussi les coûts de vétérinaire et tout ce qui entoure l’élevage», observe Chantal Allinger, directrice générale chez ANIMA-Québec.
Selon Mme Allinger, le contexte économique est aussi un élément qui force certains éleveurs à réfléchir à l’avenir de leur entreprise.
«C’est certain que les éleveurs qui produisaient beaucoup de chiots, bien ça se peut qu’avec [l’inflation], ils réalisent que ça vaut peut-être moins la peine», poursuit-elle.
Un encadrement plus serré
Cette nouvelle réalité arrive en même temps que la récente annonce du gouvernement provincial en matière de bien-être animal, laquelle prévoit notamment l’ajout d’une vingtaine d’inspecteurs du MAPAQ. L’objectif est notamment de resserrer le respect de la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal à laquelle sont assujettis les éleveurs.
«Il y en a qui réalisent qu’ils ne seront pas capables de répondre à ces exigences-là, donc ils ont décidé de soit prendre une pause pour essayer d’aller améliorer leur élevage, ou soit carrément de fermer», poursuit-elle.
Cette annonce du gouvernement pourrait également faire réfléchir les propriétaires de chiens qui voudraient faire reproduire leur animal, sans pour autant avoir les qualifications d’éleveurs. Ce phénomène est survenu très fréquemment, selon plusieurs éleveurs questionnés par Le Journal.
Chloé Demontigny Côté, présidente chez Éleveurs canins certifiés du Québec, souligne qu’il y a aussi beaucoup d’abandons, ce qui a un impact sur la demande, selon elle.
«Quand on a un retournement de situation comme ça, d’abandons, les gens ne sont pas en mode adoption», observe-t-elle.
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