Acquittement pour avoir «euthanasié» un patient: la Couronne veut un nouveau procès
Elle estime que le juge Marc-André Dagenais a fait fausse route sur la cause du décès et le consentement aux soins


Laurent Lavoie
Le juge qui a acquitté une ex-médecin de Laval d’avoir «euthanasié» un patient de 84 ans a fait fausse route sur la cause du décès de la victime et la notion de consentement aux soins, estime la Couronne, qui porte en appel le verdict.
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Isabelle Desormeau avait été blanchie en février dernier de l’homicide involontaire de Raymond Bissonnette, à l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval, aux petites heures du 1er novembre 2019.
Le magistrat Marc-André Dagenais avait dit croire «sans réserve» que l’ex-anesthésiologiste avait agi dans les règles de l’art, au terme d’un procès qui s’est échelonné sur plusieurs semaines, à l’automne.

Or, «le juge d’instance a commis une erreur de droit en analysant le lien de causalité [du décès] selon le mauvais critère juridique», avance la Couronne dans un récent avis d’appel.
Raymond Bissonnette était mort par asphyxie parce que l’accusée avait retiré son respirateur artificiel, plaidait le ministère public, qui y avait vu une mort précipitée.
Le juge Dagenais avait balayé cette thèse. Il met plutôt en cause les conséquences liées aux maux de ventre de l’octogénaire, qui l’avaient poussé à se présenter à l’urgence la veille de sa mort.
Consentement
La Couronne croit aussi qu’un nouveau procès est nécessaire, puisque «l’appréciation par le juge d’instance du consentement de la victime est fondée sur un mauvais principe juridique».
Ce dernier avait conclu que M. Bissonnette avait clairement signalé qu’il refusait tout acharnement et qu’il faisait confiance à l’équipe traitante pour prendre les meilleures décisions.
Après avoir découvert de la nécrose sur son intestin grêle, le chirurgien avait alors mis fin aux procédures. Il ne restait que très peu de temps à vivre au patient.

La nièce de M. Bissonnette avait à ce moment été informée de la situation. Comme il était très tôt le matin, celle qui s’apprêtait à assister aux funérailles de son père ne voyait pas l’«urgence» d’aller à l’hôpital.
Le déroulement des minutes qui ont suivi a été au cœur du procès. Le plan initial consistait à transférer M. Bissonnette aux soins intensifs.
Simpliste
Toutefois, après un appel de la Dre Desormeau avec l’intensiviste en poste, il avait été décidé que les soins de confort pour M. Bissonnette allaient être pris en charge dans la salle d’opération.
La tournure des événements avait suscité de fortes tensions dans la salle, avaient relaté des témoins en cour.
«La séquence de gestes posée par l’accusée en respect de ces volontés est la même que celle qui aurait été exécutée par l’équipe [de l’unité des soins intensifs] si c’est elle qui avait été appelée à déterminer et fournir les soins de confort à M. Bissonnette», mentionne dans son jugement le juge Dagenais.
À son avis, les procureurs de la Couronne ont fait preuve d’une vision «simpliste, réductrice ou même idéologique de la notion de consentement aux soins».
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