Acquisition de la cimenterie de Joliette: Béton Provincial veut y aller «étape par étape» pour investir des centaines de millions
Avec cette transaction avec la multinationale irlandaise CRH, l'entreprise québécoise possède maintenant près de 100 usines de béton


Mathieu Boulay
L’entreprise québécoise Béton Provincial n'a pas l'intention de précipiter ses investissements de plusieurs centaines de millions qu’elle doit faire à la cimenterie de Joliette, sa plus récente acquisition, pour se conformer aux normes environnementales gouvernementales qui seront exigées en 2030.
«La façon la plus appropriée et intelligente, c’est d’y aller étape par étape, mentionne le PDG André Bélanger dans une entrevue exclusive avec le Journal. Tu contrôles mieux tes coûts et tes améliorations. Tu abaisses les risques de dépassements de coûts.
«On va s'asseoir avec les gens en place. On va établir une bonne prévisibilité. C’est avec une prévisibilité qu’on va être en mesure de faire des investissements dans cette cimenterie. On va analyser toutes les initiatives.»

Selon des rapports de 2021, la cimenterie de Joliette, qui compte 130 employés, est l’un des plus gros pollueurs du Québec. Ses émissions de CO2 dépassent 305 000 tonnes.
«L’usine de Joliette répond à toutes les normes actuelles, affirme M. Bélanger. On va regarder les meilleures options pour positionner l’usine en prévision de 2030 afin de produire les ciments avec le taux de carbone autorisé.
«L’usine est une référence au Canada en matière de carburant alternatif. Près de 35% des carburants utilisés dans la production de ciment n’ont pas d’empreinte carbone. On veut grimper ce taux à 50% d’ici 2026. On veut produire plus de ciment, plus de ciment vert. On veut optimiser cette empreinte carbone.»
Pas d’aide gouvernementale
Après avoir mordu la poussière lors de la vente de la cimenterie de Port-Daniel–Gascons (McInnis) en 2021, Béton Provincial a décidé de changer de stratégie pour cette transaction dont le prix de vente n’a pas été dévoilé.
«On n'a bénéficié d’aucune aide gouvernementale, confirme M. Bélanger. On a seulement obtenu du financement bancaire.»
À l’époque, Béton Provincial s’était inscrit au registre des lobbyistes pour obtenir une aide de 150 M$. Toutefois, malgré cette démarche, la cimenterie de Port-Daniel–Gascons était passée aux mains de l’entreprise brésilienne Votorantim avec le concours de la Caisse de dépôt.
«C’était une occasion générationnelle, ajoute-t-il en parlant de la nouvelle acquisition de son entreprise. Groupe CRH Canada Inc. (multinationale irlandaise qui était propriétaire depuis 2015) a décidé que ses actifs du Québec étaient moins essentiels pour eux.
«On a mis beaucoup d’énergie et nous avons été l’entreprise gagnante du processus.»
Garder les actifs au Québec
Pour le PDG de Béton Provincial, cette 60e transaction depuis 1994 a un caractère particulier.
«En plus d’un rêve de jeunesse qui se concrétise pour moi, on pourra réaliser une parfaite intégration avec notre réseau d’approvisionnement, souligne M. Bélanger.
«Quand tu contrôles ton réseau, tu peux aller chercher toutes les optimisations pour faire ton virage vert.»
Il est surtout de fier de pouvoir garder les actifs d’une compagnie au Québec.
«Les actifs québécois partent souvent des mains des Québécois pour aller dans les mains des multinationales étrangères. Cette fois, on a inversé la tendance.»
En plus de la cimenterie, Béton Provincial met la main sur des actifs ailleurs au Québec, à Terre-Neuve-et-Labrador et dans l'État de New York.
Les trois autres cimenteries au Québec sont la propriété du Groupe Papillon (Saint-Basile), au suisse Holcim (Saint-Constant) et au brésilien Votorantim (Port-Daniel–Gascons).
Fondé en 1960 par l’entrepreneur Walter Bélanger, Béton Provincial compte plus de 2700 employés. Son parc d’installations comprend 94 usines de béton prêt à l’emploi, 5 usines de béton préfabriqué, 1 cimenterie, 21 usines de béton bitumineux (asphalte), en plus de maintes installations spécialisées dans les bitumes et les granulats et d’une flotte de 700 bétonnières.
HISTOIRE DE LA CIMENTERIE DE JOLIETTE
1965 La famille Miron, propriétaire d’une carrière à Montréal, construit la cimenterie de Joliette, qu’elle exploitera sous le nom de Ciment Indépendant.
1976 Le Groupe Ciment St-Laurent fait l’acquisition de la cimenterie.
1979 Construction de quatre silos additionnels
1994 Installation d’un système d’alimentation en pneus usagés
2009 Holcim achète Ciment St-Laurent et la cimenterie
2013 Introduction du gaz naturel
2015 La cimenterie passe sous le contrôle de CRH (Ash Grove)
Source: actualitecimenteriejoliette.com
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