Acheter Canada, acheter USA: la fièvre de l’achat local frappe fort!

Pierre-Olivier Zappa
Le vent tourne. Et il souffle fort sur le patriotisme économique canadien. Pendant que Washington multiplie les tarifs douaniers, les consommateurs d’ici répliquent... avec leur portefeuille.
«Buy Canada, bye America»: un slogan qui fait du chemin. Et vite.
Tellement que plusieurs entreprises ressentent le besoin de rappeler qu'elles sont bien d'ici. Prenez la boulangerie St-Méthode, partiellement détenue par des intérêts américains. Son dernier communiqué? Pas pour annoncer un nouveau produit ni une expansion. Mais pour défendre son identité «québécoise».
Même chose pour les jus Oasis, commercialisés par Lassonde. L’entreprise a lancé une campagne publicitaire pour marteler que son jus d’orange est un jus «d’ici». Et on comprend pourquoi.
En faisant mon épicerie ce week-end, j’ai vu le changement de mes propres yeux. Les pommes américaines? Tristes et flétries, boudées par les clients. La mayonnaise? Les pots de marques québécoises, introuvables. Mais la Hellmann’s? Aucun problème d’inventaire pour cette multinationale étrangère.
Puis, au rayon des fruits: surprise! Des raisins de Namibie. Pendant que les variétés californiennes prennent le bord. Pas besoin d’un doctorat en commerce pour comprendre. Les marchands s’adaptent à la nouvelle demande: des produits de partout... sauf des États-Unis.
Et ce n’est pas qu’une impression. Michael Medline, PDG d’IGA, l’a confirmé aux analystes financiers: «Le nombre de produits américains continuera à diminuer, alors que nous ajustons notre approvisionnement pour répondre à la demande croissante de produits canadiens et non américains.»
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Le boycottage frappe au sud
Aux États-Unis, la pression se fait sentir. Ethan Frisch, PDG de Burlap & Barrel, une entreprise d’épices, voit ses clients canadiens partir. «On ne sait pas comment réagir, avoue-t-il à Business Insider. On n’a pas voté pour Trump, mais on en paie le prix.»
Les chiffres le confirment. Le groupe Facebook «Made in Canada» a doublé en un mois, atteignant 1,3 million d’abonnés. L’application Buy Beaver, qui identifie les produits canadiens en scannant les codes-barres, explose: 35 000 téléchargements en deux semaines.
Et l’impact ne s’arrête pas à l’épicerie. Samedi soir, au restaurant, la carte des vins venait d’être imprimée. Les rouges californiens? Rayés du menu. «Nos clients en demandaient moins», explique la serveuse.
Les compagnies aériennes s'ajustent aussi. Certaines annulent des vols vers les États-Unis, prévoyant une baisse de la demande. Même les écoles modifient leurs plans: plusieurs abandonnent les voyages scolaires au sud de la frontière.
Un électrochoc économique
L’an dernier, le Canada a importé pour 349,4 milliards de dollars US de biens américains. Si cette fièvre d’achat local se maintient, l’impact pourrait être colossal. Certains secteurs souffriront. D’autres saisiront une occasion en or.
Déjà, les grands distributeurs réagissent. L’offre locale s’élargit. Les entreprises innovent. Et tout ça... pourquoi? Parce qu’un certain Donald Trump, à force de tarifs et de provocations, a ravivé un réflexe que les Canadiens avaient oublié: celui de soutenir leur propre économie.
La question est maintenant de savoir si cette fièvre va durer. Mais une chose est sûre: les Canadiens viennent de réaliser que leur pouvoir d’achat, c’est aussi un pouvoir d’influence.