Achat de billets du FEQ: un «avantage» pour les conseillers qui divise les élus
Les élus municipaux avaient la possibilité d’acheter un laissez-passer à leurs frais grâce à un code promo


Stéphanie Martin
L’obtention d’un «avantage» qui assure aux conseillers municipaux de Québec de pouvoir acheter des laissez-passer pour le Festival d’été de Québec (FEQ) divise les élus.
Jusqu’à l’été 2021, les élus de la Ville de Québec recevaient des billets gratuits pour le Festival d’été. À son arrivée, l’administration Marchand a mis fin à cette pratique jugée non conforme aux règles éthiques, à la suite d'une recommandation du contentieux de la Ville.
Cette année, le FEQ a proposé aux élus qui le souhaitaient un code leur permettant de participer à la vente des billets invendus. Cela assure aux élus la possibilité d’acheter un laissez-passer pour l’admission générale au tarif courant. À noter que les conseillers qui en profitent achètent les billets à leurs propres frais.
Trois élus de Québec Forte et Fière, l’équipe du maire, ont demandé ce code, mais le cabinet de la mairie n’était pas en mesure de confirmer s’ils l’ont utilisé.
La vente des invendus n’est pas accessible à tous. Les citoyens doivent s’y inscrire et peuvent faire des achats seulement s’ils sont sélectionnés dans une pige aléatoire.
«Dans le respect des règles»
Le FEQ argue que cela permet aux élus de découvrir «des événements qu’ils appuient, afin de mieux en comprendre la portée et les retombées concrètes de leurs décisions» et que cela se fait «dans le plein respect des règles d’éthique qui encadrent leurs fonctions».
L’opposition officielle a néanmoins demandé un avis juridique au contentieux de la Ville à ce sujet. Celui-ci a répondu en citant les articles du code d’éthique «qui pourraient s’appliquer à la situation décrite», mais ne s’est pas prononcé sur la conformité ou non du geste.
L’article en question décrète qu’un élu ne peut accepter un «avantage» qui peut influencer son jugement.
«Manque de diligence»
La conseillère du parti de l’opposition Québec d’abord Véronique Dallaire estime qu’il s’agit bel et bien d’un avantage dont bénéficient les élus. C’est pourquoi personne de Québec d’abord n’a réclamé le code. «Je considère que le cabinet aurait dû faire les vérifications avant de nous faire l’offre.» Selon elle, il a «manqué de diligence» en omettant de demander un avis juridique sur l’aspect éthique de la question.
«Avant notre arrivée, tous les élus recevaient deux passes VIP, et ce gratuitement, pour la durée du festival. Depuis 2022, nous avons mis fin à cette pratique. Depuis cette année, les élus qui souhaitent avoir des passes les achètent au prix régulier dans le lot des passes invendues par l’organisation», a-t-on rappelé du côté du cabinet du maire Bruno Marchand.
Avis divergents chez les experts
Les experts consultés par Le Journal ont des avis divergents sur l’aspect éthique de recevoir un privilège d’achat comme c’est le cas des élus de la capitale pour les laissez-passer du Festival d’été de Québec.
Selon Michel Séguin, professeur à l’UQAM et expert en gestion des risques éthiques, le privilège offert «peut biaiser le jugement futur d’un élu. Mais même s’il ne le biaise pas, cela peut amener une personne raisonnable à penser que ce jugement est biaisé à cause de ce cadeau-là».
Semer un doute
Il indique que le cabinet et les élus auraient dû refuser le privilège. «L’élu doit exercer efficacement sa fonction, et pour ça, il doit éviter toute situation qui pourrait semer un doute sur son objectivité.»
De son côté, Danielle Pilette, professeure associée de gestion municipale à l’UQAM, ne croit pas qu’il s’agit d’un avantage exclusif, puisque, souligne-t-elle, d’autres catégories de personnes reçoivent sans doute un code.
Ils paient les billets
«Je ne pense pas non plus que l’acceptation du code soit susceptible de contrevenir au code d’éthique des élus, qui doivent débourser pour l’accès aux billets.»
Le code d’éthique des élus de la Ville de Québec prévoit les cas où les élus bénéficient d’un avantage. Il est indiqué, à l’article 11, qu’un «membre du conseil ne peut accepter tout don, toute marque d’hospitalité ou tout autre avantage, quelle que soit sa valeur, qui est offert par un fournisseur de biens ou de services ou qui peut influencer son indépendance de jugement dans l’exercice de ses fonctions ou qui risque de compromettre son intégrité».